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l’assistance, je le rejette absolument, mais que je ne rejette pas tel expédient qu’il paraîtrait bon à Hyndfort de proposer pour tranquilliser la cour de Vienne. Voyez ce que Hyndfort vous dira. » Il indiqua lui-même d’avance plusieurs modes d’accommodement. Il pourrait, par exemple, ne laisser dans les provinces cédées que des troupes insuffisantes pour les garder, de sorte que la reine serait en mesure d’y faire rentrer les siennes si on ne lui tenait pas parole. Il offrait aussi de souscrire, aussitôt après la paix, un traité d’alliance défensif avec les puissances maritimes, principalement dirigé contre la France. De plus, Podewils reçut l’autorisation de laisser en dépôt, entre les mains d’Hyndfort, un billet autographe par lequel le roi s’engagerait, une fois les arrangemens conclus, à ne les rompre sous aucun prétexte. C’était le contraire de ce qu’il avait exigé au mois d’octobre précédent, quand il s’était refusé de laisser aux négociateurs de Klein-Schnellendorf un écrit quelconque, même un papier grand comme la main. Enfin, sachant qu’Hyndfort, comme la plupart des nobles écossais, n’avait pas une fortune proportionnée à son rang, il chargea Podewils de le sonder pour voir s’il accepterait une gratification qui ne serait pas moins de 100,000 écus, « ce qui rehausserait encore la gloire particulière qu’il aurait à sauver la maison d’Autriche. Bref, concluait Frédéric, je suis résolu de faire la paix aux meilleures conditions que je pourrai, sauf les déshonorantes[1]. »

Toutes ces avances furent inutiles, peut-être parce qu’elles étaient excessives. Hyndfort refusa avec une hauteur dédaigneuse l’offre personnelle qui lui était faite. « Le roi ne me connaît pas, dit-il, et ne connaît pas les pairs d’Angleterre. — Mais, reprit Podewils (raisonnant d’après les habitudes du temps) un ministre qui a conduit heureusement une négociation suivant sa conscience peut recevoir les preuves de la reconnaissance d’un grand prince. — Soyons assez heureux pour faire la paix, répliqua l’ambassadeur en souriant ; le reste s’arrangera de lui-même. » Il n’en demeura pas moins intraitable sur la condition de l’assistance effective qui faisait le véritable nœud du débat. Podewils avait beau répéter par ordre du roi cet argument qu’il trouvait vainqueur : « Mais si la reine croit pouvoir continuer la guerre contre les alliés, appuyés qu’ils sont aujourd’hui par la Prusse, quel besoin a-t-elle de nous pour les vaincre quand ils seront privés de notre concours ? La neutralité du roi doit lui suffire. » Le raisonnement eût été irréfutable, si c’eût été en réalité de l’appui matériel de Frédéric et non de sa sincérité qu’on eût voulu s’assurer. Aussi Hyndfort répondait-il avec un

  1. Pol. Corr., Frédéric à Podewils, 21 avril 1742. — Le secrétaire du cabinet à Podewils, même date ; Grünhagen, t. II, p. 201.