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plus décente qu’en France, peut-être, certainement même, parce que le public des lecteurs, et surtout des lectrices, est plus sévère. Journalistes, lecteurs et lectrices ne me sauront peut-être pas grand gré de le dire, mais la vérité a ses droits.

Des bureaux de l’American, nous nous rendons (toujours suivis par une foule curieuse et sympathique) à l’hôtel de ville. Il en est des bâtimens municipaux comme des pompes à feu : c’est pour nous une visite obligatoire dans chaque ville. Pour n’y point revenir, je dirai tout de suite ce qui m’a frappé dans ces installations. Leur caractère général est d’être très luxueuses et d’avoir coûté immensément d’argent. Il est vrai que trop souvent, à ce qu’on nous dit du moins, partie de cet argent est restée aux mains des municipalités ou des commissions chargées de le dépenser. Dans les bureaux de l’hôtel de ville de Baltimore, que nous visitons, on nous présente un employé d’un rang qui paraît modeste, un caissier, je crois, en nous disant : « Il a rempli pendant longtemps des fonctions municipales ; il a même été maire. Mais il est toujours resté pauvre et il a conservé la réputation d’être honnête. » Ce compliment, adressé à bout portant à un fonctionnaire public qui le reçoit sans sourciller, me fait supposer que peut-être tous les maires, ses successeurs (je ne parle pas du maire actuel dont l’honorabilité est proclamée par tous) ne l’auraient pas également méritée. Mais ce sont là affaires de ménage ; nous ne sommes juges que du résultat, qui est extrêmement satisfaisant. Généralement, les hôtels de ville américains, plus ou moins spacieux suivant l’importance de la ville, sont construits sur un plan uniforme : une cour intérieure vitrée, avec de grands couloirs faisant à tous les étages le tour de la cour et servant de dégagemens aux bureaux. Les salles ne sont point, comme en France, coupées et recoupées par des cloisons, pour faire autant de petits cabinets particuliers pour autant de directeurs, de chefs, de sous-chefs, de rédacteurs, etc. Sauf quelques employés d’un rang supérieur, tout le monde travaille en commun, dans plusieurs grandes salles, les employés étant seulement séparés du public par une barrière en bois. Chaque pays a sa couleur administrative : en France, c’est le vert ; en Amérique, c’est le brun. Les bureaux sont en bois d’acajou ou de mahogany, solides et simplement travaillés. Dans les bureaux où l’on acquitte les contributions, j’ai été frappé d’un détail bien entendu. A un pilier sont attachés des carnets de chèques sur les principales banques de la ville. Le contribuable qui vient s’acquitter n’a pas besoin de se munir à l’avance de son argent ou d’un chèque. Il détache tout simplement d’un des livrets pendans un chèque qu’il remplit (tout le monde, en Amérique, a son argent