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manière complète la plus-value normale qui doit se produire d’une année à l’autre, cela n’est pas à craindre; un tel cas ne se présente pas une fois en dix ou douze ans. Il est, d’ailleurs, trop tard, pour repousser le mode d’évaluation proposé par M. Léon Say; on a tellement enflé les dépenses depuis quelques années, que même avec ce relèvement des recettes, c’est à peine si l’excédent du budget primitif de 1884 est de 2 millions 1/2 sur un chiffre total de 3 milliards 30 millions.

Un autre point du budget mérite l’attention. Il existe, dans la première partie du budget du ministère des finances, un chapitre qui est très important et qui a quelque célébrité parmi les financiers, c’est le chapitre V, intitulé : Intérêts et amortissement des capitaux du budget sur ressources extraordinaires. Ce chapitre a pour objet de faire face au service de la rente amortissable et des obligations du trésor à court terme. Il est inscrit en 1883 pour le chiffre de 208 millions de francs. Cette dotation devrait être assez notablement plus considérable, si l’on se conformait aux résolutions antérieurement prises. Les obligations à court terme montent actuellement à 522 millions et, d’après les lois relatives au compte de li (nidation, elles venaient à échéance en 1883, 1884, et 1885. M. Léon Say propose d’étendre le remboursement sur un plus grand nombre d’années et de le proroger jusqu’en 1887; il en résultera que la charge des trois prochains budgets en sera allégée, et que, au contraire, les exercices 1886 et 1887 auront à supporter, l’un 110 millions et l’autre 89 millions, dont ils devaient être affranchis. Qu’il soit regrettable d’être obligé de recourir à cette mesure, nous ne le contestons pas. Mais la nécessité y contraint. Voilà où en sont nos finances sur lesquelles tant d’esprits se font des illusions. Elles sont aujourd’hui tellement tendues que l’on est obligé de remanier des échéances et de changer la base d’évaluation des recettes pour avoir un équilibre de 2 millions 1/2. Quelle est la cause de cette situation si étroite et presque précaire ? Il n’y en a qu’une : le mauvais système suivi pour les travaux publics. Nous devons en passant féliciter M. Léon Say d’avoir compris pour la première fois, parmi les budgets spéciaux annexés au budget général, le budget des chemins de fer de l’état; mais n’est-il pas déplorable que, les recettes du réseau de l’état étant évaluées à plus de 26 millions de francs, l’excédent net des recettes ne figure que pour une somme de 4 millions 111,000 francs, soit 16 pour 100 à peine des recettes brutes ?

Le lecteur qui nous aura suivi dans cette rapide étude n’aura pas de peine à conclure. Le budget qui vient d’être présenté à la chambre est de nature à faire réfléchir nos députés. C’est pour la plupart d’entre eux une révélation : pour les esprits sagaces, c’est la confirmation d’une situation qu’ils connaissaient en gros, qu’ils