On assure qu’il en va des lois comme des marchandises, qu’on ne les connaît qu’à l’user. Les meilleures deviennent bien vite mauvaises quand on les détourne de leur fin par des interprétations captieuses. Il en est en revanche de mal conçues et même d’injustes, dont il est aisé dans la pratique de corriger les inconvéniens par ces tempéramens d’équité qui rendent les injustices supportables. Cela peut être vrai, mais on fera bien de n’y pas trop compter. Alors même que c’est la raison qui fait les lois, c’est d’ordinaire la passion qui les applique. Aussi le législateur ne saurait-il se tenir trop en garde contre les entraînemens de l’esprit de parti, ni s’appliquer avec trop de soin à ne pas lui fournir des armes. Malheureusement il arrive trop souvent que le législateur est un homme de parti, qui met la politique partout, même où elle n’a que faire. Il sacrifie à ses préjugés, à ses propres faiblesses ou à celles de ses amis . c’est comme une veine de folie qui serpente et court au travers de son bon sens. Cela s’est vu dans tous les siècles, cela se voit aujourd’hui. Ce n’est pas de nous qu’on pourrait dire comme des grenouilles de la fable :
Il leur tomba du ciel un roi tout pacifique.
Nos rois sont d’humeur belliqueuse, et de quoi qu’il s’agisse, les lois
qu’ils nous donnent, même les meilleures, sont presque toujours, des
lois de combat.
Celle que vient de voter le sénat après la chambre des députés et qui rend obligatoire l’instruction primaire nous paraît en principe fort