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économique et la répartition actuelle des fortunes, terreur moins fondée que jamais aujourd’hui, car si, par la force des choses, notre agriculture locale doit nécessairement se défendre contre une redoutable concurrence, mieux vaudrait, l’on doit en convenir, que cette concurrence lui fût faite par des producteurs nationaux que par des producteurs américains.

Malgré l’incrédulité ou les doutes du plus grand nombre, la question des alluvions artificielles n’en parut pas moins assez sérieuse à ses débuts pour que quelques bons esprits n’aient pas hésité à s’y arrêter. A deux reprises différentes, j’ai pu croire que mes idées, favorablement accueillies dans leur application pratique à la fertilisation des Landes, allaient se réaliser, sous le patronage de la Société de crédit mobilier d’abord, et plus tard sous celui de l’empereur.

Des circonstances fortuites, qu’il est inutile de rappeler ici, ont paralysé ces bonnes dispositions. Peu après sont survenus nos désastres militaires, et, frappée de ce discrédit qui s’attache forcément aux choses dont on a cessé de parler, l’affaire est tombée dans un oubli immérité dont je crois devoir essayer de la faire sortir.

Au moment où, substituant son initiative publique à l’initiative privée, l’état s’efforce de multiplier des travaux publics d’une utilité contestable en vue surtout d’assurer le placement des capitaux de l’épargne, il ne saurait leur trouver un meilleur emploi que dans une série d’entreprises nouvelles, qui, en même temps qu’elles donneraient immédiatement des produits largement rémunérateurs, auraient ce résultat, bien autrement important, de résoudre le problème de la transformation de notre agriculture, qui, seule, peut assurer notre indépendance économique et nationale.

L’importance du sujet justifiera, je l’espère, les développemens de ce long préambule. Ils me permettront d’ailleurs de traiter avec beaucoup moins de détails l’objet essentiel de cette étude : la théorie générale des alluvions artificielles et son application particulière à la fertilisation des landes de Gascogne.


II.

La terre végétale a un double rôle à remplir. Elle doit servir de support aux plantes, dont elle fixe profondément les racines dans le sol, en même temps que de creuset dans lequel s’élaborent et se distribuent les substances et sucs nourriciers nécessaires à leur alimentation. Au point de vue physique, elle doit être assez meuble et assez divisée pour permettre la propagation lointaine des racines, assez poreuse pour absorber et retenir l’humidité atmosphérique,