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Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 50.djvu/816

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de céréales ne pourraient donc se continuer longtemps sur un même champ sans amener son prompt épuisement en protéine. On peut remédier de deux manières à cet épuisement momentané du sol : par la méthode primitive des jachères qui, laissant un an sur deux le terrain à l’état de production herbacée naturelle, lui permet de renouveler l’excédent de protéine nécessaire pour nourrir la récolte de blé suivante; par la méthode plus perfectionnée des assolemens, dans laquelle, cultivant toujours la terre, mais ne lui faisant produire en moyenne qu’un blé d’exportation tous les trois ans, contre deux récoltes qui ne donnent lieu à aucune déperdition sensible de protéine, on concentre par la fumure, sur chaque tiers successif de la propriété, la totalité de l’engrais normal que l’atmosphère fournit annuellement à son ensemble.

De ces deux méthodes, la dernière est considérée comme constituant un progrès trop réel pour qu’on puisse mettre en doute sa supériorité de production ; mais elle exige plus de soins, de détails, et par-dessus tout de frais de main-d’œuvre. La première est plus simple, plus expéditive, plus appropriée aux exigences d’un pays neuf où la main-d’œuvre est rare. C’est probablement la seule à laquelle aient recours les fermiers américains, et leur exemple nous prouve qu’elle ne laisse pas que d’être productive quand elle est largement appliquée sur des terres de bonne qualité et sous un climat favorable. Ces conditions de sol et de climat sont les seules auxquelles puissent s’appliquer les chiffres qui précèdent. Si le climat fait défaut, si la sécheresse, par exemple, est permanente, les meilleures terres restent infertiles comme dans le Sahara. Mais le climat ne suffit pas. La qualité naturelle du sol est tout aussi essentielle à la production végétale. Une bonne terre réunissant toutes les qualités physiques et chimiques que je viens d’énumérer, en même temps qu’elle reçoit en moyenne et peut exporter sans s’appauvrir 150 kilogrammes de protéine, met en œuvre et peut transformer en produits utilisables jusqu’à dix fois ce poids d’engrais antérieurement accumulés. Une mauvaise terre, au contraire, non-seulement ne recueille pas sa proportion normale d’engrais atmosphériques, mais peut perdre sans les utiliser les engrais étrangers qu’on lui aurait confiés.

Un être vivant consomme pour sa nutrition annuelle environ son poids de protéine, soit 50 kilogrammes pour l’espèce humaine. Un hectare de terre de bonne qualité recueillant et utilisant l’engrais normal de l’atmosphère peut produire annuellement 150 kilogrammes de protéine assimilable, en blé, viande ou autres denrées. Notre alimentation nationale pourrait donc être desservie par le produit de 12 millions d’hectares. Du moment où une surface quatre