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secondaires qui étaient à bout de ressources et pour assurer l’exploitation de lignes concédées. Ces compagnies, notamment celles des Charentes et de la Vendée, avaient été organisées en dehors des six compagnies entre lesquelles le gouvernement de l’empire avait projeté de répartir la totalité du réseau. Dans leur impatience très légitime de posséder des chemins de fer, plusieurs régions avaient sollicité la création de lignes que les grandes compagnies, surchargées de travaux, n’étaient pas en mesure d’entreprendre à bref délai. Le gouvernement prévoyait que ces lignes seraient improductives, il ne voulait pas augmenter les engagemens du trésor en leur accordant la garantie d’intérêt ; il était, en outre, peu disposé à se départir du système de concentration qu’il venait à peine d’inaugurer. Comment résister, cependant, à des réclamations incessantes, appuyées par toutes les influences locales et déclarant que les nouvelles lignes ne demanderaient rien au trésor ? Il fallut céder, et alors, de 1862 à 1870, on commit la faute de laisser s’organiser des entreprises dans des conditions qui devaient infailliblement être ruineuses. Il était, en effet, certain que ces compagnies, dotées de subventions insuffisantes et n’étant point soutenues par la garantie de l’état, seraient incapables de mener à fin des travaux dont les grandes compagnies, largement subventionnées et libéralement garanties, n’avaient point voulu accepter la charge. On sait ce qui est advenu.

En 1876, ces compagnies, après avoir dépensé des capitaux considérables, se reconnurent impuissantes à compléter le réseau qui leur avait été concédé, et, pour échapper à une faillite imminente, elles traitèrent avec la compagnie d’Orléans, qui s’engageait à reprendre leurs lignes, à les achever et à les exploiter. Ces contrats avaient exigé l’intervention bienveillante du gouvernement, parce que la compagnie d’Orléans désirait nécessairement obtenir pour le régime des lignes ainsi annexées des conditions nouvelles, et ils ne pouvaient être définitifs qu’après l’approbation de l’autorité législative, puisqu’il s’agissait non-seulement de transférer une concession émanée de cette autorité, mais encore de faire concourir le trésor public au succès de la combinaison.

En même temps se déclarait la crise des chemins de fer d’intérêt local. Usant et abusant de la faculté qui leur était attribuée par la loi du 10 août 1871, les conseils-généraux avaient concédé un grand nombre de lignes sans se rendre exactement compte des dépenses et des recettes probables et sans s’inquiéter du trouble que l’établissement de ce réseau secondaire pouvait jeter dans l’organisation du réseau exploité par les grandes compagnies. La plupart de ces lignes avaient été livrées à des concessionnaires qui ne possédaient point les ressources suffisantes pour mener l’entreprise à bonne fin.