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en traçant de nouvelles lignes, et en grand nombre, sur la carte de nos chemins de fer. Mais cette œuvre si large n’avait et ne pouvait avoir que la valeur d’une esquisse, tant que les traits essentiels ne seraient point fermement arrêtés, c’est-à-dire, pour parler sans figure, tant que la propriété des chemins de fer et leur exploitation ne seraient point dégagées des controverses et que le pays ne serait point fixé sur leur futur état civil. Il est bien vrai que le programme politique du récent cabinet se prononce expressément contre le rachat des chemins de fer. Quelque formelle que soit cette négation, elle n’engage que le cabinet, et il se pourrait qu’elle fût éphémère. Les partisans du rachat ne se tiennent pas pour battus. C’est à l’autorité législative, aux deux chambres qu’il faut demander une décision qui exprime, en cette matière, la doctrine et la volonté du gouvernement républicain.


II

Le terrain de la discussion est bien préparé pour nos législateurs. Ils peuvent consulter l’enquête du sénat, les travaux poursuivis par de nombreuses commissions administratives et parlementaires, de remarquables écrits publiés par les ingénieurs et les économistes les plus autorisés[1], enfin la polémique très ardente qui, depuis 1877, par les divers organes de la presse, s’adresse directement à l’opinion. Les argumens politiques, financiers, économiques, les exemples empruntés aux autres pays, les comparaisons de tarifs, les documens statistiques, tout, en un mot, a été produit et discuté. Il suffira de résumer ici les principaux points de cette polémique avant d’exposer les raisons qui recommandent le maintien du système actuel.

D’après les partisans du rachat, les chemins de fer doivent être traités, à l’instar des grandes routes, comme un instrument national et demeurer, à ce titre, sous la direction exclusive de l’état. Le régime des concessions date de la monarchie et de l’empire ; il est incompatible avec la république. L’institution des compagnies concessionnaires est une continuation de la féodalité, des abus du monopole, de la tyrannie du capital. Il appartient à la société moderne de ressaisir des droits usurpés et de rentrer en possession d’un

  1. Parmi ces écrits nous citerons ceux de MM. Jacqmin, Laugel et Brière, qui ont été publiés dans la Revue, ainsi que les études de MM. de la Gournerie, Krantz, Emile Level, Léon Say, Aucoc, P. Leroy-Beaulieu. Le ministère des travaux publics a fourni sa large part de documens ; l’Album de statistique graphique, rédigé sous la direction de M. E. Cheysson, ingénieur en chef des ponts et chaussées, retrace sous une forme aussi attrayante qu’instructive tous les détails de la statistique des chemins de fer.