tions nationales, à relever l’autorité de la Russie en Orient comme dans l’occident jusqu’au jour où, sans combat, à la faveur du grand conflit de la France et de l’Allemagne, il réussissait enfin à obtenir d’une conférence européenne réunie à Londres, de l’Angleterre elle-même, contrainte et forcée, la radiation de ce qu’il y avait de plus blessant pour la Russie dans le traité de Paris. C’était le prix d’une politique persévérante et souple qui, pendant la guerre de 1870-1871, payait la France de paroles aimables, de témoignages de sympathie assez platoniques, en aidant l’Allemagne d’une connivence réelle, en la préservant de l’intervention des autres puissances qui auraient pu être nos alliées. La neutralité russe avait été un bouclier pour l’Allemagne dans sa guerre d’invasion et de démembrement contre la France. L’Allemagne, de son côté, s’acquittait envers le cabinet de Saint-Pétersbourg à la conférence de Londres ; elle s’acquittait même encore plus tard en couvrant à son tour de sa neutralité la guerre nouvelle que la Russie préparait contre la Turquie pour achever d’effacer ce qui restait des transactions de 1856. Qui a gagné, qui a perdu à cet échange de connivences, de services intéressés, dont le résultat a été le bouleversement de l’état du monde à l’occident comme à l’orient ? Le prince Gortchakof se flattait d’avoir fait les affaires de la Russie ; il les avait peut-être compliquées. Il avait hâté le moment où l’Allemagne et la Russie pouvaient se trouver en présence, en contact d’ambitions, et cet antagonisme des deux empires est devenu plus sensible par la rivalité personnelle des deux chanceliers à dater d’une certaine heure, surtout au congrès de Berlin. Ce congrès, réuni sous l’autorité désormais prépondérante de M. de Bismarck, est la dernière circonstance où le prince Gortchakof ait paru avec quelque éclat, et si ce n’était plus le congrès de Paris, où le représentant du tsar paraissait en vaincu, l’œuvre de diplomatie décrétée à Berlin a laissé par le fait entre la Russie et l’Allemagne des questions de prépondérance bien autrement redoutables que toutes celles qui pouvaient exister en 1850.
Aujourd’hui, le choix du successeur du prince Gortschakof pouvait certes être une difficulté. Si le nouveau ministre des affaires étrangères eut été, comme l’a dit un instant, le général Ignatief, l’auteur du projet de traité de San-Stefano, il est bien clair que cela eût ressemblé à une victoire du panslavisme qui pouvait replacer avant peu la Russie en face de l’Autriche et par suite de l’Allemagne. Ce n’était pas tout à fait la politique du général Skobelef, si l’on veut, c’était un acheminement vers cette politique. En choisissant M. de Giers, qui est depuis longtemps attaché à la chancellerie des affaires étrangères, qui est un esprit modéré, l’empereur Alexandre III a voulu évidemment écarter des perspectives trop dangereuses. Il est resté dans l’ordre d’idées où il parait être aujourd’hui en cherchant à se rapprocher de l’Autriche et de l’Allemagne. Il a eu l’intention de plaire, tout au moins