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opinion. S’ils sont tous d’accord pour retirer les concessions aux compagnies existantes, quelques-uns admettent qu’il n’est point nécessaire, qu’il pourrait même être nuisible de laisser à l’état le soin d’exploiter directement les chemins de fer, et ils proposent que le gouvernement confie cette exploitation à des compagnies fermières qui s’acquitteraient en son lieu et place des fonctions multiples de l’entretien et de la gestion, et qui percevraient les tarifs fixés par lui. Cette combinaison avait tout d’abord séduit quelques esprits, à ce point qu’en 1877 le ministre des travaux publics crut devoir se rendre en Hollande, où elle est appliquée pour centaines lignes, afin de l’étudier de plus près. Rendant compte de cette exploration, M. Christophle déclara que, pour lui, comme pour ses compagnons de route et d’étude, le rêve des compagnies fermières s’était évanoui devant la réalité des faite et des résultats. Système hybride qui n’a été adopté que par expédient, à défaut de l’état qui ne voulait pas exploiter lui-même, et faute de compagnies qui consentissent à se charger de l’entreprise dans les conditions ordinaires. Il n’est plus nécessaire de discuter dans le détail ce mode de fermage des chemins de fer. Les partisans du rachat n’avaient d’ailleurs imaginé cette combinaison que par une habileté de tactique, comprenant bien que l’exploitation directe par l’état effraierait un certain nombre de ceux qui désirent une réforme, et comptant corriger par ce moyen terme une solution qui pouvait sembler trop radicale. On ne s’occupe plus aujourd’hui des compagnies fermières : si l’état rachète les concessions, c’est lui qui exploitera. L’exploitation directe serait l’inévitable conséquence du rachat des voies ferrées.

Aux partisans du rachat les défenseurs du système des concessions et les avocate officieux des compagnies répondent que l’état est incompétent pour exploiter la grande entreprise des chemins de fer, — qu’il sortirait de son rôle pour usurper sur celui de l’industrie privée, — que, dans l’ordre politique il accroîtrait indûment son influence, déjà si grande, en s’annexant en quelque sorte trois cent mille nouveaux fonctionnaires et agens ; — que, pour l’opération des transports, il ferait moins bien et plus chèrement. Ils ajoutent que les tarifs, réglés par l’état et fixes à la manière des impôts, offriraient moins de garanties, seraient établis et modifiés selon les caprices de la politique ou suivant les besoins du trésor, et cesseraient bientôt d’être appropriés aux exigences agricoles, industrielles et commerciales. Ils déclarent enfin que le rachat, outre la charge écrasante qu’il ferait porter sur le trésor et sur le crédit public, amènerait un déficit inévitable dans les budgets annuels et qu’il en résulterait la ruine infaillible de nos finances.

Tels sont les argumens contradictoires qui ont été produits de part et d’autre et qu’une publicité incessante a fort habilement