Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 51.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’intérieur qui s’interposent comme un mur entre les parties d’une même couche, tantôt interrompant seulement la continuité des stratifications, sont des preuves évidentes de la dislocation de l’écorce du globe.

C’est à une rupture de ce genre que sont dues les chutes du Zambèze, auxquelles Livingstone a donné le nom de Victoria Falls et qui offrant le spectacle le plus grandiose et le plus imposant peut-être qui existe au monde. Le fleuve qui, à cet endroit, a plus de 4 kilomètre de large, se précipite à une immense profondeur dans une crevasse étroite, ouverte dans la roche basaltique perpendiculairement à la direction primitive et qui, coupant brusquement le lit du fleuve, a dû en modifier le cours normal. Voici du reste la description que M. Baldwin donne de ces chutes[1].

« J’ai atteint, dit-il, le Zambèze à 3 kilomètres environ au-dessous da la cataracte. Eu cet endroit, il a plus de 3 kilomètres de large. Des îles nombreuses de toutes les dimensions, l’émaillent de verdure ; la plus grande, qui doit avoir de 16 à 20 kilomètres de tour, est baisée jusqu’au bord de l’eau ; c’est un bouquet de baobabs dont quelques-uns ont 20 mètres de circonférence ; on y voit aussi des palmiers de différentes espèces, entre autres des palmyras et des dattiers sauvages.

« Le Zambèze est le plus beau fleuve que j’ai pu admirer, mais son lit est rocailleux et peu profond… Vous entendez rugir la cataracte à une distance de 16 kilomètres et bientôt vous apercevez d’immenses colonnes de vapeur dont la masse blanche est couronnée de l’arc-en-ciel. Le fleuve qui, au-dessus de la chute a 1,600 mètres de large, se verse tout entier dans une crevasse énorme, tellement profonde que j’ai compté jusqu’à dix-huit avant qu’une pierre d’au moins ô kilos eût fini de descendre ; encore ne l’ai-je pas vue au fond de l’eau, mais seulement quand elle en a gagné la surface. J’étais vis-à-vis des cataractes à peu près au niveau d’où elles se précipitent, et j’aurais pu jeter un caillou de l’autre côté de l’abîme. A l’endroit où les cataractes sont le plus volumineuses, l’œil ne peut les suivre au-delà de quelques mètres de profondeur, à cause du rejaillissement de l’eau qui poudroie, se vaporise et retombe en pluie fine à 100 mètres à la ronde. C’est une chute perpendiculaire de plusieurs centaines de pieds par trente ou quarante nappes de différentes largeurs. Au fond de la gorge, ces divers courans se rejoignent, tourbillonnent, s’entre-choquent et sa ruent avec furie au travers de la passe. » Au-dessous des chutes, le fleuve tournoie dans une gorge profonde pressée, inaccessible, où il bondit

  1. Du Natal au Zambèze, par M. Baldwin.