aujourd’hui toutes les lettres adressées par le duc d’Albe à Philippe II depuis l’arrivée à Saint-Jean-de-Luz jusqu’à la séparation à Saint-Sébastien. Catherine aurait bien voulu pouvoir montrer son gendre lui-même aux catholiques du Midi pour faire croire que ce gendre était bien son allié ; elle espérait ainsi couper les fils de la conspiration espagnole, dont elle se sentait partout saisie et enveloppée. Mais le taciturne Philippe, soit qu’il redoutât sa belle-mère, soit qu’il aimât mieux conduire les affaires du monde de son cabinet, se contenta d’envoyer sa femme Elisabeth à Bayonne. Celle-ci sortait de maladie, elle avait échappé par miracle aux soins des médecins espagnols ; elle était encore tout exsangue ; le voyage fut une joie pour cette pauvre fille de France, étouffée dans l’étiquette. Elisabeth était une pauvre ambassadrice tremblant devant son époux, tremblant devant sa mère ; le véritable ambassadeur fut le duc d’Albe.
Albe a raconté comment Montluc, Montpensier, se sont livrés à lui, comment il se mit tout le temps entre Catherine et sa fille ; il se plaint que la reine de France voulût accorder à ses sujets la liberté de conscience et se rebiffât contre les décrets du concile de Trente pendant que les protestans croyaient que Catherine les livrait à l’Espagnol. M. Forneron juge assez bien, ce semble, le rôle que se donnait la reine mère : « Depuis la mort du duc de Guise, la pensée de Catherine avait pu se développer à l’aise pendant cinq années ; la régente posait bien les fortes bases de la politique de Henri IV et de Richelieu ; soumettre tous ses sujets, huguenots ou princes ; ne plus tolérer ni des menaces ni des moyens de prononcer des menaces, devenir maître chez soi, ensuite empêcher l’agrandissement de ses voisins, contrecarrer sans relâche les desseins de l’Espagne et de la maison d’Autriche. » Mais elle ne sut qu’ébaucher cette politique. Quand il juge les événemens du XVIe siècle, l’historien doit être doublé d’un moraliste ; dans une âme comme celle de Catherine, les instincts avaient plus de place que la réflexion. Catherine était dominée par ses instincts de mère : étrangère, de petite maison, hissée au premier trône du monde, abreuvée dans sa jeunesse d’outrages, elle voulait être reine, elle voulait des couronnes pour tous ses enfans, il lui plaisait d’inquiéter la fière reine d’Angleterre, Philippe II, le pape lui-même. Française, elle ne l’était pas ; patriote, elle n’avait pas de patrie ; elle voulait dominer par la ruse, sinon par la force, dans la personne de ses fils, partout, toujours ; elle portait les dernières tiges de la race des Valois ; c’est elle qui leur donnait encore la sève ; parmi les enchantemens des arts, les fêtes ingénieuses où elle avait apporté les grâces d’Italie, dans les camps, dans les palais, elle suivait une seule pensée : défendre les