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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE


La première moitié du mois de mai ne s’est distinguée des quinzaines précédentes ni par une animation plus grande du marché ni par de plus larges fluctuations de cours. Les affaires sont extrêmement limitées, aussi bien au comptant qu’en spéculation. On pourrait citer telle valeur de premier rang sur laquelle des ordres de vente au mieux ne peuvent être exécutés qu’avec beaucoup de peine et après plusieurs journées. La spéculation, rendue prudente par les événemens, ne s’aventure plus aisément, et réalise aussitôt qu’elle peut recueillir quelques bénéfices, que ce soit en hausse où en baisse ; ses rangs sont d’ailleurs fort clair-semés, et son action ne se fait sentir que par suite de l’abstention presque complète des capitalistes grands ou petits opérant avec titres et argent.

Aussi les cours se tiennent-ils à peu près en équilibre ; mais on sent que cet équilibre est instable et que le moindre incident pourrait déterminer un mouvement dans un sens ou dans l’autre. Le marché a subi une première émotion lorsqu’est arrivée la nouvelle de l’assassinat à Dublin de deux membres du gouvernement anglais. Si le Stock-Exchange avait seulement manifesté un peu d’hésitation, le découvert, ici, aurait tenté un coup de réaction. Mais nos voisins ne se sont pas laissé déconcerter ; toutes les valeurs sont restées immobiles, et les consolidés ont atteint 102, le cours le plus élevé qu’ils aient jamais obtenu. Devant tant de sang-froid et de raison politique, notre place ne pouvait que se piquer d’émulation ; après quelques instans de faiblesse, la fermeté a repris le dessus, et le 5 pour 100 aurait peut-être été porté de nouveau vers le cours de 118 si la question égyptienne n’était venue causer de nouveau quelque émoi dans les rangs du public financier. Les deux 3 pour 100 ont reculé de quelques centimes, et le 5 pour 100, qui avait été compensé à 117.30, reste à 117 francs. Les acheteurs sur ce dernier fonds n’en perdent pas moins 30 cent, plus la valeur du report.

Une autre cause a agi plus puissamment encore peut-être que ces faits extérieurs sur la tenue des rentes et a provoqué l’espèce d’abandon où nous voyons languir ces titres vers lesquels les capitaux de placement s’étaient portés avec tant d’ardeur au lendemain de la crise. Cette cause est le renchérissement du taux des reports, renchérissement qui a déjà été très sensible à la liquidation de mai et qui ne paraît nullement devoir bientôt faire face à un retour de conditions plus douces. Ce n’est pas que l’argent manque ; les ressources n’ont