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république ! » toutes les bouches s’ouvrent, tous les bras s’agitent ; casquettes et chapeaux mous volent en l’air. Gagné par l’enthousiasme général, un jeune homme, donnant le bras à une femme élégamment mise et venu là en curieux, se découvre et salue la troupe. Il en est de même du maître de la Victoria. Seul, le cocher, bien stylé, demeure impassible sur son siège. Cette scène populaire est rendue avec une vraie puissance, dans son aspect extérieur et dans sa nature particulière. On voit la presse, le grouillement et les poussées de la foule, les vibrations de la lumière dans la poussière chaude ; on entend ce bruit confus où tous les sons se mêlent et se neutralisent, des orchestres et des tambours, des appels des marchands et des saltimbanques et du piétinement, des paroles et des clameurs de vingt mille hommes ; on sent la gaité, l’enthousiasme et l’espèce de griserie patriotique qui avait saisi ce jour-là la grande masse de la population parisienne. Certes ce tableau a un caractère tout autre que les Jeux pour la patrie. Mais, pour être différent, le caractère n’en est pas moins marqué. Les deux peintres ont donné avec un bonheur égal l’impression juste des temps, des êtres et des sentimens qu’ils voulaient représenter et exprimer. Ce qu’il faut louer encore dans le 14 Juillet, c’est cette couleur gaie, claire et chaude ; c’est cette atmosphère légère qui enveloppe toutes les figures, les met bien à leur plan, éloigne les maisons dans la perspective aérienne et donne toute son étendue à cette vaste place. Sans doute, on pourra blâmer la fougue de cette exécution, qui touche parfois à la brutalité, ces hardies coulées de lumière qui appartiennent moins à l’art du peintre qu’à celui du décorateur de théâtre. Mais réfléchissons qu’une toile de plus de 60 mètres de superficie ne saurait être traitée comme un tableau de chevalet, et subissons sans révolte l’effet puissant de cette œuvre.

Si l’on admet assez facilement que M. Roll ait donné ces colossales proportions à la Fête du 14 juillet, parce que cette scène populaire, qui rappelle la distribution des drapeaux aux régimens, appartient en quelque sorte à l’histoire, on ne peut ne pas être choqué dans le tableau de M. Blanchon de la disproportion du sujet avec l’aire de la toile : 4 mètres par 5 mètres pour une Déclaration de naissance à la mairie. Un employé, assis devant un bureau chargé de dossiers et de cartons verts, examine le sexe d’un nouveau-né, que lui présentent une jeune femme et la nourrice du bébé. A droite, sur un banc, un serrurier, son sac d’outils à l’épaule, marivaude avec une (autre nourrice ; dans le fond causent des ouvriers et des employés. Ces diverses figures ne sont pas bien à leur plan, et, sauf la jeune femme et la nourrice qui porte l’enfant, elles manquent de relief. Tout se colore dans une agréable harmonie claire et rose. Quel joli petit tableau de genre M.