entière dans une coque de noix ou dans une tête d’épingle, rien ne serait changé ; et les rapports restant les mêmes, la perception resterait exactement la même qu’auparavant. Donc, à moins de soutenir que l’homme est la mesure de toutes choses, il faut admettre que nous ne connaissons pas la vraie grandeur des objets, mais seulement leur grandeur relative. Mais y a-t-il même en soi une vraie grandeur, une grandeur déterminée ? Quelle est la grandeur de l’univers ? Si l’on dit qu’il mesure dans l’espace 100 milliards de kilomètres carrés, cela n’a de sens que si l’on prend le mètre pour unité et si l’on sait ce qu’il faut entendre par mètre ; mais le mètre lui-même n’a qu’une valeur relative : car il est le quarante-millionième de la circonférence terrestre, ce n’est donc qu’un rapport, et vous aurez beau essayer de ramener ce rapport à quelque chose de fixe, ce fixe lui-même ne serait encore qu’un rapport : une grandeur absolue de l’univers m’a donc aucun sens. On ne peut espérer de trouver un point fixe dans l’espace absolu, ni dans un minimum d’espace. Car l’espace absolu est infini ; et le rapport à l’infini n’est jamais fixe ; ce n’est qu’une quantité fuyante et variable. Quant au minimum d’espace, on ne peut le concevoir, puisque tout espace est divisible ; il n’y a pas de limites ; ou si l’on prend pour limite le point, comme on l’a quelquefois proposé, on ne trouve pas plus de mesure fixe, car la grandeur ne peut pas plus se déterminer par rapport au point que par rapport à l’infini. La grandeur est croissante d’un côté, décroissante de l’autre, mais : toujours fluente et en mouvement, sans avoir aucune forme précise autre que celle d’une relation. D’un autre côté, cependant, comment concevoir une étendue réelle qui ne serait point telle ou qui, telle, n’eût pas une grandeur donnée ? L’impossibilité de déterminer cette grandeur ne tend-elle pas à prouver qu’il n’y a là qu’une relation à nous, et, par conséquent, que l’étendue elle-même, à laquelle nous accordons nécessairement une grandeur quelconque, n’est qu’une représentation de notre esprit ?
On peut en dire autant de la figure du corps : cela est d’abord évident et accordé pour la figure visuelle. Cette figure est ce qu’elle nous paraît en raison de la conformation de nos yeux. Si le cristallin était un prisme, au lieu d’être une lentille, les objets nous paraîtraient tout autrement. La forme apparente répond sans doute à quelque chose de réel dans l’objet ; mais elle est aussi nécessairement relative à l’organe visuel ; or, comme on ne peut concevoir une vision sans organe, toute forme n’est jamais qu’un rapport entre l’objet et l’organe et, par conséquent, n’est jamais que quelque chose de relatif et en partie subjectif. Sans doute nous ne verrions rien s’il n’y avait rien ; mais nous ne verrions, pas davantage si nous