qu’il allait travailler à rétablir des garanties en faveur de cette France nouvelle qu’il avait servie et d’où il était sorti. En d’autres termes, le rôle qu’il ambitionnait et réclamait était celui d’intermédiaire, d’arbitre entre l’ancienne monarchie et la révolution, quelque chose comme le rôle d’un Warwick républicain ou celui d’un Monk stipulant pour le parti de Cromwell. Oserai-je dire que cette explication me semble trop conforme à la manière de penser des hommes de la révolution et à la situation difficile que la suite des événemens avait fini par leur créer pour ne pas se rapprocher beaucoup de la vérité ? Une restauration monarchique, — qui ne le sait ? — beaucoup y consentaient alors ; la seule chose qui les retînt était la crainte des représailles, et c’est cette crainte que Moreau voulait écarter en exigeant de la monarchie des engagemens formels ; de là la lenteur des pourparlers et, finalement, l’avortement de l’entreprise. Reste enfin le reproche d’exagération, et ce défaut, nous le savons, est trop naturel à Nodier pour que nous essayons de le laver de l’accusation. Il est clair qu’il y a une disproportion choquante entre l’obscurité de la plupart des acteurs qu’il met en scène et les ambitions extravagantes ou le rôle considérable qu’il leur prête ; toutefois je me permettrai de plaider encore ici les circonstances atténuantes. C’est le propre de toute secte, de toute coterie, de toute société secrète d’avoir à elles leurs grands hommes dont jamais personne en dehors d’elles n’a entendu ni n’entendra parler. Croyez bien que si, dans une trentaine d’années d’ici, quelque membre survivant de la commune s’avise d’écrire ses mémoires, vous serez étonné de la quantité de grands hommes inconnus que vous découvrirez en les lisant. Nodier n’a donc fait en cette circonstance qu’obéir à la loi qui régit toute confrérie ; en sorte que cette exagération qu’on lui reproche, d’ailleurs justement, serait plutôt une preuve favorable que contraire à sa véracité.
Nous avons achevé le triage que nous nous étions proposé de faire dans l’immense labeur de Nodier ; ce que nous en avons mis à part est à peu près tout ce qui en a survécu, et tout ce qui en survivra. Eh bien, ne vous semble-t-il pas qu’à mesure que nous marchions, cette confuse diversité que nous redoutions au début s’est de plus en plus réduite à quelques groupes faciles à énumérer et à caractériser, que ces groupes à leur tour nous ont montré plutôt les affinités qui les rapprochent que les différences qui les séparent, que les contradictions apparentes de l’homme se sont fondues dans une assez étroite unité, et qu’en somme cette fantaisie si capricieuse se joue dans des limites assez resserrées ? Quant au mot suprême dont il faut nommer cette unité, vous l’avez sans doute découvert vous-même, car il est partout répandu dans cette étude. C’est par le