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consacrer la liberté pour tous que d’assurer la prépondérance aux influences catholiques. Elle méritait sur bien des points son impopularité, mais elle méritait aussi la reconnaissance de l’Université par cela seul qu’elle la débarrassait de l’odieux et des périls du monopole. La fin du monopole fut aussi la fin de la guerre acharnée que le clergé et ses amis faisaient depuis dix ans à l’enseignement universitaire. On a trop oublié ce qu’avait été cette guerre, quelles violences, quelles calomnies s’accumulaient, non-seulement dans des journaux et dans des pamphlets, mais dans les prédications de la chaire et dans les mandemens de l’épiscopat. Rien n’était négligé pour alarmer les consciences des familles et pour inquiéter le gouvernement lui-même. Des ministres dévoués à l’Université, M. Villemain, M. de Salvandy, se laissaient arracher les plus regrettables concessions ; une prudence excessive était imposée aux professeurs et plus d’un s’est vu sacrifié, M. le directeur actuel de l’enseignement secondaire en sait quelque chose, pour un manquement plus apparent que réel à cette circonspection nécessaire. Si telle était la condition de l’Université sous un gouvernement ami, que devait-elle être après la réaction qui suivit de si près la révolution de 1848 ? et qu’aurait-elle été après cette autre réaction, plus terrible encore parce qu’elle était sans contrôle, qui suivit le coup d’état de 1851 ? La liberté d’enseignement sauva véritablement l’Université. L’auteur du coup d’état aurait volontiers oublié, pour donner un gage de plus au clergé, que l’Université était une création du premier empire. Le clergé eut la prudence de s’en tenir aux droits que la loi de 1850 lui avait rendus. Content d’avoir ses collèges, non-seulement il ne voulut pas prendre ceux de l’état, mais il s’occupa moins de ce qu’on y faisait. Les polémiques s’apaisèrent ; les dénonciations furent plus rares. La guerre ne reprit que vers la fin de l’empire, sur le terrain de l’instruction supérieure. On attaqua l’enseignement des facultés comme on avait attaqué vingt ans auparavant l’enseignement des collèges. Ce dernier respirait alors sous un ministre sorti de ses rangs, M. Duruy. Dans la période précédente, il n’avait pas été à l’abri des actes de persécution ; il avait compté plus d’une victime du coup d’état, et même des victimes volontaires, par de courageuses démissions ; mais, dans les plus mauvais jours, après 1852, il eut moins à souffrir du fanatisme religieux que de la compression politique. Le zèle maladroit des inspecteurs ou des préfets eut la principale part aux rigueurs exercées contre les professeurs. Ceux que perdit l’Université purent profiter à leur tour de la liberté d’enseignement ; car plusieurs trouvèrent un asile dans des institutions libres. L’enseignement universitaire put bientôt s’assurer à lui-même une liberté qu’il n’avait