Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/192

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prête à l’exagération. Au fond, elle consiste à subordonner l’art à la seule considération de nos besoins, et cela n’est pas sans danger. Cependant bannir en principe des créations de l’architecte tout ce qui est superflu, attacher au plan, expression rigoureuse d’un programme, une importance capitale et en déduire l’élévation, régler l’emploi des matériaux avec économie et, eu dernière analyse, faire servir les élémens de la construction à la décoration de l’œuvre sans être esclave des formes traditionnelles, ce sont là, croyons-nous, des idées pleines de sens et qui ont toujours guidé les véritables architectes. Mais on peut développer aveuglément cette théorie et la pousser à l’excès. Aussi, arrivée a ce point, a-t-elle servi de thème à des discussions passionnées. Toutefois elle, a réagi contre l’abus des ordonnances classiques et des arrangemens de convention qui étaient passés à l’état de recette. Elle n’a pas toujours heureusement inspiré, dans leurs ouvrages, ceux qui s’en étaient armés, et cependant elle a fait partout son chemin. L’obligation où nous sommes de reconstruire sur des données nouvelles un grand nombre d’édifices publics et les problèmes que soulève cette mise en demeure ; les exigences de plus en plus grandes des particulière pour leurs habitations et la liberté laissée aujourd’hui aux constructions qui s’élèvent à Paris, tout cela a contribué à rompre les habitudes et à mieux ouvrir les esprits ; tout cela a servi à faire entrer toujours davantage dans les conceptions des architectes des élémens de vérité et de raison.

Reconnaissons donc qu’à ces divers points de vue, il y a eu dans les arts une évolution heureuse, un progrès. On ne devait pas moins attendre de la sincérité qui anime l’école et aussi de sa vitalité. Celle-ci est très grande, et le nombre des œuvres qui figurent au Salon en témoigne assez. Si les observations que nous venons de présenter ne sont pas dépourvues de raison, peintres, sculpteurs et architectes voient à la fois leur talent se transformer sous l’empire des mêmes préoccupations, ils obéissent à un mouvement d’ensemble qui les porte à chercher et à réaliser le vrai. C’est là ce qui constitue aujourd’hui l’unité de l’école française.

Mais après avoir fait la part à cette louable disposition des esprits et après avoir constaté les effets auxquels elle a conduit, demandons-nous maintenant quelle est la valeur du résultat. L’observation plus attentive de la nature extérieure d’un côté, et les considérations d’un ordre plus rationnel de l’autre, répondent-elles à tout ? Enn possession d’une vue plus large sur la nature et d’une pratique plus libre, le peintre et le sculpteur, par exemple, peuvent-ils se désintéresser comme ils le font du choix de leurs sujets et de la manière de les traiter ? L’invention ou seulement la convenance doivent-elles être négligées ou même mises au second rang ? Personne