n’oserait le dire, mais bien peu d’artistes en ont réellement le souci. Certes, la nature a des droits considérables et l’exécution est appelée à subir mille variations légitimes. Mais n’y a-t-il pas, dans le domaine de l’art tel que l’a fait notre siècle, d’autres autorités ? L’histoire n’a-t-elle pas ses droits et n’y a-t-il pas lieu de compter avec elle ? ne lui demandera-t-on aucune inspiration, ou bien, après lui avoir emprunté quelque sujet, se croira-t-ou libre de le traiter sans égards pour le temps auquel il appartient ? L’histoire représente aussi tout un ordre de vérités qui s’imposent et que nous n’avons plus le droit de négliger aujourd’hui. C’est un point sur lequel il importe d’appeler 1*attention du public et des artistes.
La langue des arts a besoin d’être fixée. Beaucoup d’expressions qu’elle emploie ont chez elle un sens particulier ou une extension qu’elles n’ont pas dans l’usage ordinaire. Ainsi en est-il du mot histoire, qui veut dire, en principe, le contraire de toute fiction et qui, pour les artistes, comprend à la fois l’histoire proprement dite, les antiquités et la fable. Notre temps a encore élargi cette signification déjà si vaste parce que les études historiques ont pris un large développement. Les artistes et l’art lui-même ne peuvent rester étrangers à ces études : elles fournissent des thèmes aussi bien aux exercices scolaires qu’aux plus importans travaux que le peintre et le sculpteur peuvent être appelés à exécuter. La culture générale des esprits ne permet pas davantage que l’on s’en passe. Par les informations qu’elles fournissent, elles dotent les représentations figurées d’une vraisemblance et d’une exactitude que tout le monde réclame. L’archéologie et l’ethnographie se sont ajoutées à l’histoire, de sorte qu’elle embrasse dans son domaine depuis la couleur historique jusqu’au style.
Il faut bien reconnaître que l’antiquité n’a pas entendu comme nous cette fidélité que nous recherchons. Si l’artiste qui a sculpté le pavillon royal de Médinet-Abou nous a laissé les plus précieux renseignemens sur la race et sur l’armement des peuples vaincus par Ramsès III ; si les Assyriens et les Perses ont eu quelque souci de nous faire connaître la figure des ennemis dont ils étaient victorieux, on peut dire que les Grecs n’eurent certainement pour ceux qu’ils nommaient les barbares qu’une indifférence hautaine et que, dans l’art, ils ne firent aucune part à la curiosité. Considérées comme documens, quelle valeur out les sculptures qui représentent les victoires remportées sur les Perses ? Leur insuffisance est heureusement suppléée par les récits d’Hérodote. Singulière contradiction ! Tandis que l’historien évoque, fait défiler devant nous la foule des nations qui formaient l’armée de Xerxès et que, d’une touche merveilleusement pittoresque et pour ainsi dire plastique, il fait ressortir