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LE
DERNIER DES CONDOTTIERI

La mort de Giuseppe Garibaldi a causé d’un bout à l’autre de l’Italie une vive émotion. Le parlement s’est fait l’interprète du sentiment public en décidant que, deux mois durant, la tribune serait voilée de noir, que le trésor prendrait à son compte les funérailles du héros, qu’un monument serait élevé à sa mémoire, qu’une pension viagère de 10,000 francs serait accordée à sa veuve et à chacun de ses cinq enfans. De tels honneurs n’avaient été décernés à personne, et personne ne s’est avisé de les trouver excessifs. Cependant, parmi les Italiens qui raisonnent, on en trouverait difficilement un qui osât affirmer que Garibaldi était un grand politique, il en est peu qui le considèrent comme un grand général, et la plupart estiment que, s’il a rendu de grands services à son pays, il lui a causé plus souvent de grandes inquiétudes. Ils ne laissent pas de reconnaître qu’il était l’homme le plus populaire de la péninsule et, comme l’a dit M. Crispi, a le seul qui, à un moment donné, fût de force à soulever la nation tout entière. » Cette immense popularité avait franchi les Alpes et l’Adriatique, elle s’était répandue dans plus d’un pays lointain. Un Russe, propriétaire de plusieurs milliers d’hectares sur les bords du Volga, nous parlait dernièrement de l’extrême ignorance des paysans qui cultivent ses terres : « le doute, nous disait-il, qu’ils aient jamais entendu parler d’aucun des souverains, d’aucun des hommes d’état qui gouvernent aujourd’hui l’Europe ; mais il y a un nom, un seul nom qu’ils savent tous, c’est celui de Garibaldi. »

Pour graver son nom dans la mémoire des peuples, pour s’emparer de leur imagination, il n’est pas nécessaire d’être un grand