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Propriétaire d’un grand journal, écrivain distingué, orateur de mérite, il jouissait surtout d’une réputation de loyauté qui le faisait écouter de tout le monde, sinon avec sympathie, du moins avec respect. Ennemi de tout acte de violence, de tout recours à la force, il avait blâmé en 1848 les chefs de la jeune Irlande ; il condamnait plus sévèrement encore les meneurs du fenianisme. Il fit une vive peinture des souffrances de son pays ; il signala surtout la situation privilégiée de l’église épiscopale en Irlande comme une monstrueuse anomalie et une odieuse iniquité. En lui répondant, le secrétaire en chef d’Irlande, lord Mayo, n’essaya pas de contester cette dernière assertion ; il ne refusa pas de reconnaître que l’organisation de l’Irlande, au point de vue religieux, réclamait d’importantes modifications : « Oui, dit-il, il faut établir l’égalité entre les diverses communions religieuses, mais en élevant celles qui sont abaissées, et non pas en abaissant celles qui sont élevées. » Il annonça que le gouvernement préparait la création d’une université catholique et qu’il étudiait un projet pour améliorer la condition des fermiers irlandais.

Le débat sur les propositions Maguire durait depuis quatre jours, lorsque M. Gladstone prit enfin la parole. M. Lowe, M. Bright, du côté de l’opposition, sir Stafford Northcote, du côté du gouvernement, avaient parlé tour à tour. Malgré les mérites divers de ces orateurs, ce qu’ils avaient à dire n’était pas attendu avec curiosité ; on connaissait d’avance leur opinion sur la question. Quand, au contraire, M. Gladstone se leva, la plupart de ses auditeurs ne savaient pas encore à quel point était complète l’évolution qui s’était faite dans son esprit. La sensation fut donc profonde, lorsqu’au milieu de l’attention générale, il se prononça, sur la question de l’église d’Irlande, pour la solution la plus radicale, pour celle que réclamait depuis si longtemps M. Bright : « L’église, dit-il, comme église d’état, doit cesser d’exister. » Les acclamations éclatèrent sur les bancs où siégeaient les représentai du libéralisme avancé. M. Disraeli, parlant le dernier, répondit avec sang-froid et habileté. Il espérait peut-être que le parti libéral se diviserait sur cette question comme il s’était divisé naguère sur la question de la réforme électorale. M. Maguire, avec beaucoup de présence d’esprit, retira ses propositions afin de laisser le champ libre à M. Gladstone. Le chef du parti libéral était donc tenu, après avoir exposé son programme, de le formuler en une série de propositions et die le soumettre au vote de la Chambre. Il s’acquitta de ce devoir dans la séance du 30 mars. Il apporta trois résolutions, dont la première portait à peu près ce qui suit : « La chambre considère comme nécessaire que l’église épiscopale d’Irlande cesse d’exister comme