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église d’état, étant bien entendu que les situations actuelles des membres du clergé seront maintenues leur vie durant. » La question de principe était donc nettement posée. Elle fut discutée avec l’ampleur, la gravité et aussi avec la chaleur que comportait un pareil débat. M. Bright prononça l’un de ses plus éloquens discours, lord Cranbourne une de ses plus véhémentes philippiques ; le ministre de l’intérieur, M. Gathorne Hardy, en se faisant l’organe des craintes et des colères du vieux parti protestant, trouva des accens passionnés qu’on n’attendait pas de lui et qui remuèrent l’auditoire. M. Lowe compara l’église épiscopale d’Irlande à une de ces plantes exotiques qu’on fait vivre à grands frais, et à grande peine sur un sol ingrat. Gladstone et Disraeli résumèrent le débat avec leur supériorité accoutumée. Lord Stanley, le fils de lord Derby, moins éloquent que son père, mais aussi moins ardent, sans repousser formellement les résolutions de Gladstone, proposa d’en ajourner l’examen après le renouvellement évidemment prochain de la chambre des communes. Cet amendement, habilement conçu et habilement défendu, fut repoussé par 331 voix contre 270. La discussion, suspendue par les vacances de Pâques, fut reprise à la rentrée du Parlement. La première résolution de Gladstone, la résolution décisive, celle qui condamnait à mort l’église épiscopale d’Irlande, fut alors votée par 330 voix contre 265. C’était à peu près exactement la majorité qui s’était déjà prononcée contre l’amendement Stanley. L’opinion de la chambre des communes n’était donc pas douteuse. Pendant les vacances de Pâques, en outre, le parti libéral tout entier avait tenu une grande réunion à Saint-James’Hall, sous la présidence de lord Russell et s’était prononcé en faveur des résolutions Gladstone. Les libéraux de la chambre des lords étaient donc d’accord sur la question, avec ceux de la chambre des communes.

Disraeli était beau joueur : quand il vit la partie perdue, il ne se départit pas de son imperturbable sang-froid et, se contentai d’annoncer à la chambre que, par suite du vote qu’elle venait d’émettre, le gouvernement avait à prendre une résolution qu’il ferait connaître prochainement. Cette résolution était prévue ; il s’agissait évidemment de dissoudre la chambre. Une réforme électorale venait d’être votée. Quoi de plus naturel que de faire appel au nouveau corps électoral pour lui demander de se prononcer en appel sur la réforme que la chambre venait de voter ? Principal auteur du nouveau système électoral qui allait être appliqué pour la première fois, Disraeli se faisait peut-être l’illusion de croire que les citoyens auxquels il venait de conférer le droit de vote l’en remercieraient en lui donnant la majorité. Il fut vite détrompé. Le nouveau corps