une question de cette gravité. Bright parla le second jour, en réponse à sir Stafford Northcote. Il n’examina pas, comme Gladstone, tous les détails de la réforme soumise à la chambre ; il s’attacha surtout à en dégager le principe. « L’église épiscopale d’Irlande, dit-il, est l’église de la conquête. Non-seulement cela est vrai historiquement, mais je prétends qu’il est impossible que le culte professé par une infime minorité de protestans ait pu être établi pendant trois cents ans au milieu d’une nation entièrement catholique autrement que par droit de conquête… Le principe de la réforme comprenait le droit pour une nation de choisir son église et son culte : le fait d’établir la religion protestante au milieu d’une nation catholique est la violation la plus flagrante de la réforme qui ait jamais été commise depuis Luther… J’ai déjà eu l’occasion de le dire il y a quelques années et je le répète aujourd’hui : la politique de l’Angleterre à l’égard de l’Irlande a fait du catholicisme non-seulement un article de foi auquel le peuple irlandais s’attache avec une persévérance héroïque et désespérée, mais encore une question de patriotisme pour laquelle ses enfans sont prêts à souffrir et au besoin à mourir… Plus je pense à cette grande mesure, — et je crois. y avoir plus réfléchi que la majeure partie des membres de cette assemblée, l’ayant vue naître article par article, en ayant suivi le développement avec un intérêt toujours grandissant, — plus je la regarde comme de nature à provoquer une intime et solide union entre l’Irlande et l’ Angleterre. Je la vois donnant le calme à tout un peuple. J’ose réclamer en faveur de ce projet de loi l’appui de tous les penseurs et de tous les gens de bien qui vivent dans les limites de l’empire britannique, et je ne puis douter que son adoption ne soit bénie par l’Etre suprême dans ses bienfaisans résultats, car elle est fondée sur les principes de justice et de bonté qui sont les glorieux attributs de son éternelle puissance. »
Le projet de loi fut voté en deuxième lecture par trois cent soixante-huit voix contre deux cent cinquante ; en troisième lecture, il eut une majorité de cent quatorze voix ; porté à la chambre des lords, il y fut combattu par lord Derby. Ce fut le dernier effort oratoire de l’ancien adversaire d’O’Connell. Quelques mois après, il succombait à une attaque de goutte dans sa résidence patrimoniale de Knowsley-Hall. La chambre des lords dans l’intervalle avait voté le projet de loi par cent soixante-dix-neuf voix contre cent quarante-six, et la reine avait donné sa sanction le 25 juillet. La loi nouvelle devait commencer à produire ses effets le 1er janvier 1870. Elle a été, en effet, appliquée depuis cette époque de la manière la plus régulière et la plus satisfaisante. Une des injustices séculaires qui pesaient sur le peuple irlandais a donc été supprimée, et cependant