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l’exemple de la Belgique, que la direction du lycée et celle de l’internat cessent d’être réunies sur une seule tête. Il voudrait, pour les deux fonctions et pour les deux établissemens, non-seulement deux personnages distincts et indépendans l’un de l’autre, mais deux maisons séparées. Le directeur de l’internat serait simplement, pour le proviseur du lycée, « un père de famille plus riche en enfans que les autres. » Ni le premier n’aurait à s’immiscer dans la marche des études, ni le second dans le régime des pensionnaires. La séparation des locaux ne sera possible, M. Bréal le reconnaît, que dans des lycées de construction entièrement nouvelle ; mais rien n’empêche d’introduire dès à présent dans tous les lycées la séparation des fonctions. Il n’y aurait pas à créer de nouveaux fonctionnaires, puisque chaque lycée a déjà deux chefs : un proviseur et un censeur. L’un des deux aurait la direction exclusive de l’internat ; l’autre serait le chef des professeurs et il pourrait recevoir toutes les attributions qui assurent aux directeurs des gymnases allemands une si heureuse influence sur le progrès des études. Les professeurs de chaque lycée formeraient ainsi un véritable corps, qui pourrait acquérir une autonomie de plus en plus large ; leur chef pourrait avec avantage participer lui-même à l’enseignement, qui serait désormais son unique souci ; il en connaîtrait ainsi de plus près tous les besoins ; son autorité se ferait plus aisément accepter par ses collaborateurs, et sans doute aussi elle grandirait dans la confiance de l’administration supérieure, qui ne refuserait pas de lui laisser une plus grande part d’initiative. Cette réforme du provisorat et de l’internat est la plus urgente de toutes, dit très bien M. Dreyfus-Brissac, après MM. Jules Simon et Michel Bréal : « Tous les projets de réforme avorteront, s’ils ne s’appuient pas sur des bonnes volontés individuelles, sur une plus large initiative accordée au corps enseignant[1]. »

  1. Parmi les heureux effets qu’on pourrait attendre de cette réforme, il faut compter une amélioration de la condition des maîtres d’études. Tant que la direction de l’enseignement et celle de l’internat resteront confondues, l’Université n’offrira d’autre avenir à ses maîtres d’études que de vieillir dans leurs humbles fonctions ou de s’élever au professorat, qui suppose des grades auxquels beaucoup ne parviendront pas et des aptitudes spéciales dont les meilleurs surveillans peuvent très bien être dépourvus, Si la direction de l’internat formait un service séparé, elle pourrait être le dernier échelon d’une hiérarchie administrative dont le premier degré serait la maîtrise d’études, et les degrés intermédiaires la fonction de préfet d’études, dont un rapport officiel propose la création, et celle de surveillant général, depuis longtemps existante. Le zèle des simples surveillans serait ainsi stimulé et leur autorité relevée aux yeux des élèves par les chances d’avancement qui leur seraient ouvertes dans l’ordre même des fonctions où ils font leurs débuts. Rien n’empocherait d’ailleurs ceux qui se sentiraient une vocation différente de viser soit au professorat, soit même à d’autres carrières en dehors de l’Université.