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Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/656

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méthode scientifique si simple et si belle, toujours ouverte au progrès et aux découvertes : l’expérience appuyée sur le raisonnement.

L’histoire de cette longue servitude de la médecine a vivement attiré l’attention de M. Littré, et dans les nombreux articles qu’il lui a consacrés, il ne s’est pas seulement contenté de la raconter, mais comme pour Hippocrate, il l’a interprétée et expliquée. Dans son exploration à travers les âges il a été guidé par une grande idée qui lui est propre. C’est lui qui l’a introduite le premier dans l’histoire de la médecine ; elle est cependant bien simple : c’est que notre science n’est pas une création isolée sans relation ni parenté avec les autres créations de l’esprit humain. Avant lui on était incapable d’expliquer pourquoi, à certaines époques, la médecine avait reculé et pourquoi à certaines autres, elle avait avancé. C’est lui qui l’a fait rentrer dans le cercle des autres sciences, a montré le lien qui les rassemble et établi la loi commune qui explique leurs progrès ou leurs défaillances. Voilà le nœud de l’histoire de la médecine, voilà sa vie. Tel est le flambeau qui doit guider l’érudition, car l’érudition n’est qu’un instrument dont l’histoire est le produit. Avant M. Littré on disait souvent que les révolutions religieuses et sociales, que les progrès des arts, des lettres et surtout de la philosophie avaient eu une grande influence sur le développement de la science médicale. C’est là un rêve. Est-ce qu’Hippocrate a puisé sa méthode d’observation dans les philosophes épicuriens ou chez ses contemporains du siècle de Périclès ? Est-ce que le siècle de Périclès a été le père d’autres grands siècles médicaux ? Le christianisme ou l’islamisme ont-ils créé une médecine originale ? Est-ce que la réforme a créé autre chose que des démolisseurs illuminés, comme Paracelse et Van Helmont ? Est-ce que Harvey, l’immortel auteur de la découverte de la circulation du sang, n’a pas précédé Addison, Swift, la révolution d’Angleterre, Descartes et Leibniz ? Le siècle de Louis XIV n’a-t-il pas été le siècle des Diafoirus et des Purgon ? Et la grande révolution médicale opérée ; par Bichat, Broussais et Laënnec n’a-t-elle pas eu lieu dans un temps où les lettres et les arts étaient fort peu en honneur ? Non, ce n’est pas parmi les littérateurs, les artistes, les philosophes, ce n’est ni dans les temples ni dans les palais, que nous devons chercher les inspirateurs de la médecine. C’est aux savans, aux physiologistes, aux physiciens, aux chimistes que nous devons demander les origines de nos fluctuations ascendantes et descendantes. La médecine est un art fragile appuyé sur des sciences solides.

Voyons donc avec M. Littré comment s’est créée la médecine et quelles ont été les causes de ses erreurs et de ses progrès. C’est en Grèce qu’elle s’est constituée. On a bien essayé de trouver ses premiers fondemens dans l’Inde, en Chine, en Égypte, en Judée, on a