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Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/703

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dans d’étroites préoccupations ministérielles ou électorales, oublient qu’une humiliation nationale n’est pas le meilleur moyen d’affermir un gouvernement, et que, si indifférente, si timide ou si casanière qu’elle paraisse, la France peut bientôt leur demander compte de ses intérêts sacrifiés.

De quoi s’agit-il en effet ? Il s’agit d’intérêts commerciaux, financiers, coloniaux, politiques, scientifiques mêmes. Il s’agit d’une nombreuse colonie française, pillée et massacrée en présence de nos cuirassés sans un boulet pour la protéger ou la venger. Il s’agit de nos libres communications avec nos colonies d’Asie et de la sécurité de nos possessions africaines, car, grâce à nos ingénieurs, l’Égypte est la clé de l’Asie en même temps que la clé de l’Afrique. Il s’agit de notre influence dans tout l’Orient, dans toute la Méditerranée, du capital le plus précieux pour un état et le plus difficile à reconstituer quand il est perdu, de notre prestige national.

Et ces intérêts divers, y avait-il doute sur la manière de les défendre ? Manquions-nous d’allié pour nous y aider ? Nous fallait-il pour cela de grandes armées ? Nullement, la voie était toute tracée, l’allié était là qui prenait les devans, l’entreprise n’exigeait que quelques régimens.

Que penseraient M. Thiers et les chambres de 1840, si devant le concours de l’Angleterre ils nous voyaient hésiter et reculer ? L’Angleterre, dit-on, veut nous faire faire ses propres affaires ! Et nous, ne craignons-nous pas de lui abandonner le soin de faire les nôtres ? Les intérêts des deux pays sont manifestement connexes, si ce n’est identiques ; pour l’un et l’autre, les deux grands points sont de communiquer librement avec leurs colonies d’Asie et de maintenir leur prestige vis-à-vis de leurs sujets musulmans. La différence est que, pour l’Angleterre, la libre communication avec les Indes est l’intérêt capital, tandis que pour nous, installés depuis un demi-siècle en Algérie et récemment campés en Tunisie, ce qui importe avant tout, c’est de ne pas laisser amoindrir l’ascendant de la France parmi les tribus arabes.

Chose rare et singulièrement attristante pour notre clairvoyance, tous les intérêts dont on peut, dont on doit se préoccuper en Égypte, intérêt de la France, intérêt de l’Europe, intérêt de l’Égypte elle-même et de la civilisation, étaient visiblement d’accord en faveur du concert anglo-français.

Nos voisins des Alpes, en cela imités par nos radicaux, se sont pris d’un beau zèle pour la nationalité égyptienne. Ce n’est pas nous qui leur en ferons un reproche. Il est tout naturel que l’Italie, enfantée elle-même par l’idée nationale, s’en fasse l’organe et le défenseur chez autrui. Il faut pourtant, à cet égard comme à tout autre, distinguer entre l’Europe et l’Afrique, entre les peuples chrétiens de notre civilisation et les peuples mahométans ou païens de culture inférieure. Or, qui ne le sait, chez les peuples musulmans, l’idée religieuse