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doivent tout, eux rien à leurs parens. Ce devrait être à leur tour de les traiter comme ils furent traités eux-mêmes. C’est tout le contraire. A quoi bon des parens qui ne vous gâtent plus ? Aussi ne leur rendent-ils pas toujours même les soins élémentaires. C’est une imprudence aux vieux parens de se dessaisir de leurs biens par des donations anticipées à leurs enfans qui n’ont plus rien à ménager. Ces parens là paient cher souvent cette dernière preuve de tendresse, qui n’amène que rudesse et délaissement. » Après le groupe de la famille, qui s’impose d’abord à quiconque veut juger sainement de la situation morale des populations, d’autres signes peuvent éclairer sur l’état des mœurs. Tels sont la criminalité et le plus ou moins de développement de l’intempérance dans les populations agricoles. Ce dernier sujet intéresse, on ne le sait que trop aujourd’hui, notre pays tout entier, car il s’agit de l’avenir de la race, de ses forces intellectuelles et physiques, comme il s’agit de l’honneur de la civilisation.

Nous ne pouvons reconnaître dans la criminalité la mesure absolue de l’état moral. La statistique laisse ici dans l’ombre, en mal et en bien, trop d’élémens essentiels. Elle omet les vices qui dégradent, sans mener le plus souvent ceux qui s’y abandonnent en police correctionnelle ou en cour d’assises. Elle omet absolument les qualités et les vertus qui font l’honneur et la force d’un pays. Si les peuples heureux n’ont pas d’histoire, les peuples vertueux n’ont pas de statistique ; il n’y a pas de registres pour le sacrifice et le dévouaient. Enfin on peut citer des pays où la violence des passions, ordinairement en rapport avec le climat, produit des crimes de tout genre sans qu’on puisse rien en conclure contre la masse qui est sage, tempérante, et capable de tirer du même fonds d’énergie d’exceptionnelles vertus. Nous avons affaire ici à des populations plus calmes, qui valent surtout par une certaine moyenne de qualités. On peut dire qu’il y aurait pour ces régions lieu de se féliciter à beaucoup d’égards si cette statistique du bien était possible. On s’accorde avec raison à les mettre au nombre des meilleures. En tout cas, c’est une bonne note que la part relativement assez faible de la criminalité dans les départemens qui forment la Picardie, l’Artois et la Flandre, surtout si l’on a égard à ce qui en revient aux campagnes. Les attentats contre les personnes y sont rares, et ceux de tous qui sont devenus les plus fréquens, les attentats contre la pudeur, sont de beaucoup pour la plupart à la charge des villes. Les assassinats, les empoisonnemens sont des crimes exceptionnels dans ces campagnes ; ils y ont le plus souvent pour mobile la cupidité ; la violence produit beaucoup moins de meurtres qu’autrefois. Je crois même qu’on se trompe en déclarant que, d’une manière