son sort avec le sien. Des tarifs un peu élevés sur le blé et la viande sont absolument impossibles : la concurrence américaine nous a nourris, ne l’oublions pas. L’avenir est aux prairies et aux herbages, aux reboisemens, et, dans ces régions, à la betterave, aussitôt qu’une nouvelle diminution d’impôt sur le sucre lui aura rendu l’essor qu’a commencé à lui redonner la dernière réduction ; la consommation du sucre est en quelque sorte indéfinie : elle peut tripler au moins. Les procédés de sucrage du vin, recommandés dans un récent et très remarquable rapport de M. J.-B. Dumas, destinés à s’appliquer, nous le croyons, sur une grande échelle, contribueront aussi à soutenir et à augmenter la production sucrière. Fallût-il renoncer au blé sur quelques points ou le produire sur les terres nouvelles qui seront en France livrées à la culture, le mal ne serait pas grand ; mais les causes qui maintiennent la culture du blé en France sur une grande échelle ne périclitent pas. La production de toutes les denrées agricoles peut augmenter à la fois ; on a vu que la betterave n’a pas diminué le blé, loin de là. L’avenir ne produira pas l’écrasement agricole de la France, mais son développement comme par le passé.
On peut se féliciter que les rapports des propriétaires et des fermiers soient restés bons, malgré quelques conflits d’intérêts. Je ne dois pas oublier pourtant que je parle de pays où quelques vieilles coutumes, trop faites pour altérer ces bonnes relations, gardent encore une certaine place, quoique restreinte aujourd’hui, à vrai dire. On a écrit plus d’un traité sur la fameux droit de marché et sur la coutume du mauvais gré. En Artois comme en Picardie, on trouve, et surtout ou trouvait naguère, établi en faveur des fermiers, le droit de profiter de ce que les jurisconsultes appellent « la tacite reconduction, » qui leur concédait la faculté de continuer le bail aux mêmes conditions, sans qu’il fut nécessaire de le renouveler. Les propriétaires ont fortement battu en brèche ce qui restait de cette faculté à laquelle s’attachaient certains avantages de perpétuité. Mais le droit de marché a emporté de bien autres conséquences que la tacite reconduction pure et simple. Ce droit exorbitant, trop peu connu généralement pour qu’il n’en faille pas dire ici quelques mots, survit sur quelques points, notamment dans l’arrondissement de Péronne. Il avait autrefois une puissance redoutable, et il se manifeste parfois encore sous des formes qui se ressentent de l’ancienne barbarie. Le droit de marché consiste en ce que le fermier traite avec ses successeurs, s’il veut s’en donner, et détient, sans