sa fille Anne, prise d’une terreur folle, déclara qu’elle sauterait par la fenêtre plutôt que de se trouver en face de son père. Comme toujours, elle se jeta dans les bras de lady Churchill, la suppliant de la sauver. La fuite fut préparée, d’accord avec l’évêque de Londres, Compton. On lit dans les Mémoires de la duchesse : « Pour déjouer tout soupçon, la princesse se retira, le soir, à l’heure habituelle, dans ses appartemens ; je vins la rejoindre peu après ; nous descendîmes par l’escalier de service, sur lequel donnait son cabinet, Son Altesse Royale, milady Fitz Hardinge, moi et un seul domestique, et nous rejoignîmes la voiture où se trouvaient l’évêque et le comte de Dorset. On nous conduisit cette nuit à la résidence de l’évêque, dans la cité, et le jour suivant au château de lord Dorset, puis chez le comte de Northumberland et à Nottingham, où le pays se rallia autour de la princesse. Elle ne se crut en sûreté que lorsqu’elle se vit au milieu des amis du prince d’Orange. » Une garde d’honneur se rassembla autour d’elle, commandée par le vaillant évêque, ancien cornette de dragons, qui, pendant la fuite, précédait les dames à cheval, l’épée à la main, le pistolet au pommeau de la selle. On arriva en cet équipage chez le duc de Devonshire, à ce somptueux palais de Chatsworth, où Paxton a, de notre temps, inauguré les palais de Cristal qu’il devait rendre si fameux lors de la première exposition universelle.
Parmi les cliens appelés par le duc à veiller au service de ses hôtes, se trouvait un jeune poète. Colley Cibber, qui a célébré la beauté, la grâce et le charme de lady Churchill. La jeune dame d’honneur venait de jouer, pour la première fois, un rôle actif dans les événemens. L’ère de paix et d’obscurité relative était close ; la vie agitée, la lutte passionnée commençaient pour ne plus s’arrêter. Lorsqu’on s’aperçut de la fuite, l’émotion fut grande. Jacques II, nouveau roi Lear, s’écria dans son angoisse : « Que Dieu m’assiste ! mes enfans eux-mêmes m’abandonnent ! » Le peuple crut d’abord à une séquestration, accusa le roi, la reine surtout, et menaça de démolir White-Hall si on ne lui rendait pas la princesse. Enfin la vérité se révéla et les violentes attaques des jacobites contre lady Churchill ne connurent plus de bornes. La révolution marcha rapidement. Jacques s’enfuit en France ; sa froide et prudente fille Mary, soumise jusqu’à l’annihilation à son taciturne, hautain et despotique époux, déclara qu’elle ne régnerait pas sans lui ; Guillaume, de son côté, affirma « qu’il ne s’opposait pas aux droits de Mary, qu’il respectait ses vertus, mais qu’il n’accepterait jamais un pouvoir dépendant d’une femme, » et tous deux furent proclamés.
Lady Churchill a fait le récit de l’étrange façon dont la nouvelle reine entra dans White-Hall, ce palais d’où son père venait d’être