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femme un douaire de 400,000 francs de rentes, libres de toute taxe, la jouissance de ses terres dans les mêmes conditions, des sommes considérables en argent comptant, joyaux, vaisselles d’or et d’argent, 1,250,000 francs pour achever Blenheim, et la tutelle du jeune duc de Marlborough, son petit-fils. Elle possédait, en outre, une fortune personnelle considérable et conserva jusqu’à sa mort l’administration du domaine royal de Windsor. Sa douleur fut grande lorsqu’elle perdit la seule vraie tendresse sur laquelle elle pût compter ; sa santé s’altéra momentanément. Bien qu’elle fût âgée de soixante-deux ans, ses yeux, toujours fort beaux, — et ceux de sa cassette, plus beaux encore, — attirèrent des consolateurs qu’elle éconduisit promptement. Dans l’année qui suivit la mort de son mari, le comte de Coningsby et le duc de Somerset, celui qu’on appelait l’orgueilleux duc, demandèrent sa main, alléguant un long attachement caché. Elle répondit que son âge écartait toute idée d’un nouveau mariage, « mais que, fût-elle recherchée par un empereur, elle ne lui permettrait pas de succéder à John, duc de Marlborough, dans le cœur qui lui avait été tout dévoué. »


VII.

La nature de l’illustre veuve n’était pas de celles qui s’absorbent dans les regrets ; active, remuante, énergique, elle avait besoin de mouvement, de bruit, d’occupations variées, du monde, de la cour.

Mécontente de George Ier elle se rapprocha du prince de Galles et de sa femme, la future reine Caroline, « cette diablesse Madame la princesse, » comme l’appelait le roi son beau-père. Reçue avec des honneurs particuliers, elle prit bientôt dans cette petite cour, rivale de la grande, un empire dont parle lady W. Mary Montagne : « Elle aimait à conter, avec son entrain amusant, beaucoup de petits traits relatifs aux façons un peu étranges de la nouvelle famille royale à son arrivée. Peut-être n’était-il pas prudent à eux de se laisser voir de si près par elle ; mais ils voulaient se concilier le parti Marlborough et l’admirent à une familiarité dangereuse. « La seconde ou la troisième fois qu’elle fut reçue, elle trouva la princesse maintenant la discipline dans sa nursery, où l’un des enfans venait de recevoir une correction salutaire, et criait à pleins poumons. Comme la visiteuse essayait de le calmer et de le consoler : « Ah ! s’écria le prince d’un air triomphant, vous voyez ? voilà pourquoi vous êtes mal élevés, vous autres Anglais ; c’est qu’on ne vous a pas assez fouettés dans votre jeune âge. — Hum ! vous n’avez