SOUVENIRS LITTÉRAIRES
QUATORZIÈME PARTIE[1].
En mes jours de superbe, au temps de ma jeunesse, je m’étais permis de tracer mon portrait ;
Je suis né voyageur, je suis actif et maigre,
J’ai, comme un Bédouin, le pied sec et cambré :
Mes cheveux sont crépus ainsi que ceux d’un nègre,
Et par aucun soleil mon œil n’est altéré.
Le pied n’est plus si rapide et traîne parfois ; la bise d’hiver a
soufflé, elle a apporté la neige et emporté les cheveux ; le soleil
s’est vengé de mon impertinence et il m’a condamné a des lunettes
dont le numéro n’est pas mince. J’étais fier de ma vue, elle n’avait
pas faibli au milieu des sables de la Phénicie, ni devant la neige des
glaciers, ni sous le vent de la mer ; nul mieux que moi n’apercevait
la remise d’une compagnie de perdreaux et je pouvais lire infatigablement. Vers 1865, j’eus mal aux yeux, je n’épargnai pas les collyres et
je n’en souffris pas moins. On me conseilla de consulter un opticien,
et, un jour du mois de mai, je m’en allai chez Secretan. L’employé
- ↑ Voyez la Revue des 1er juin, le juillet, 1er août, 1er septembre, 1er octobre, 1er novembre, 1er décembre 1881,15 janvier, 15 avril, 15 mai, 15 juin, 15 juillet et 15 août 1882.