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Le prince de Bismarck, tout en combattant avec vigueur la démocratie socialiste, veut prévenir la révolution, en mettant aux mains du gouvernement la direction du mouvement. Une raison d’état lui persuade d’opposer aux menaces du socialisme par en bas le remède douteux du socialisme par en haut, considéré comme un moyen de conservation de la monarchie. S’il faut que cette tendance s’accentue par des dotations aux institutions ouvrières officiellement inscrites au budget de l’Empire, on ne verra plus de limite aux taxes à introduire pour tirer des impôts indirects les ressources indispensables. Les 220 millions indiqués pour le dégrèvement des contributions directes en Prusse ne suffiront plus, il faudra augmenter les recettes de l’Empire dans une mesure impossible à fixer dès maintenant.

Ce sont les plus-values des impôts indirects en France qui inspirent les changemens projetés dans le système fiscal allemand. Le chancelier ne tarit pas sur l’excellence et la supériorité du système français. Assurer au trésor public des taxes dont le rendement va croissant au-delà de toute prévision, quel régime enviable et quelle exubérance ! Ces finances florissantes tiennent au développement des impôts indirects. Les impôts indirects présentent non-seulement plus de facilité pour la perception, mais leur avantage essentiel est dans leur action pondératrice. Ils rentrent au fisc sans atteindre des personnes déterminées. Partant point de contrainte ni de poursuite pour le paiement. C’est le contribuable lui-même qui détermine en quelque sorte le montant et l’échéance de son imposition. Variant selon les lieux et les circonstances, le poids des impôts indirects se répartit de son mouvement propre sur l’ensemble des personnes mises en cause par rapport aux articles taxés, depuis la production ou l’importation jusqu’à la consommation. Tandis que les impôts directs pèsent d’une manière constante et inéluctable sur le contribuable, celui-ci, s’il est atteint par les taxes indirectes, est bien aussi tenu au paiement de ces taxes, mais avec la faculté d’en répartir le montant, tout ou partie, sur les acquéreurs des articles imposés à mesure de leur consommation. Par le fait que les impôts indirects se confondent avec les autres facteurs qui concourent à la formation des prix et entrent dans la composition d’un tout indivisible, ils perdent en apparence de leur poids, et deviennent en réalité une charge moindre pour les individus amenés à les acquitter en définitive. Théoriquement les impôts directs tendent à frapper le contribuable dans la mesure de sa capacité contributive. Que l’on considère pourtant les choses de près, et l’on conviendra que l’application pratique ne répond pas à la théorie dans la plupart des cas. La capacité financière du censitaire ne trouve pas toujours son expression juste dans son revenu, abstraction faite de la difficulté de mesurer ce revenu même approximativement. La famille, l’état