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« L’état, a dit un juge peu suspect de socialisme, M. Thiers, devra s’ingénier à trouver des moyens pour parer à de cruels chômages. Il ne pourra pas tout ce qu’on lui demandera, mais, avec de la prévoyance, il pourra quelque chose et même beaucoup, car l’état n’a pas moins que des murailles, des machines, des vaisseaux, des cordages, des fusils, des canons, des voitures, des harnais, des souliers, des habits, des chapeaux, du drap, de la toile,-des palais, des églises à exécuter ; et une administration habile, qui réserverait ces travaux si divers pour les temps de chômage, qui, pour certaines fabrications, telles que machines, armes, voitures, draps, toiles, aurait des établissemens susceptibles de s’étendre ou de se restreindre à volonté, qui, pour les places fortes ou les palais à construire, aurait ses devis préparés et les tiendrait prêts pour les momens où l’industrie privée interromprait ses travaux, qui recueillerait ainsi sur le marché général les bras inoccupés, comme certains spéculateurs achètent les effets publics dépréciés, qui à cette prévoyance administrative joindrait la prévoyance financière et garderait sa dette flottante libre et dégagée, de manière à trouver de l’argent quand personne n’en aurait plus, une administration qui se donnerait tons ces soins, difficiles, mais non impossibles, parviendrait à diminuer beaucoup le mal, sans réussir toutefois à le supprimer en entier… Qu’on ne prétende donc plus que nous voulons laisser mourir de faim l’homme sans travail, car je réponds que nous nourrirons l’homme dépourvu de travail, sans lui donner toutefois ni un salaire égal à celui des temps prospères, ni un salaire qui lui permette de faire monter violemment la main-d’œuvre, ri un salaire enfin qui lui serve à être le soldat de la guerre civile[1]. »


L’état s’occupe des intérêts généraux de l’agriculture et du commerce ; il s’occupe des travaux publics, des beaux-arts, des postes, des télégraphes, etc. ; différens ministères ont été créés pour ce but ; nous pensons qu’il devrait exister aussi un ministère des institutions philanthropiques, chargé tantôt de prendre l’initiative et de créer des institutions de ce genre (assurances, secours mutuels, sociétés de consommation, de production, de crédit, etc.), tantôt d’encourager et d’aider celles qui existant déjà, enfin de centraliser les efforts, les dons, les prêts des particuliers en vue des établissemens de philanthropie. À des besoins nouveaux doivent répondre, dans le grand corps de l’état, des organes nouveaux. Il se produit ici, surtout en France, une dispersion absolue des forces, une anarchie, un manque d’initiative et d’organisation qui entrave toute

  1. Thiers, de la Propriété, p. 328 et suiv.