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Depuis quelques années, avec les idées de gouvernement qu’il a laissées paraître, avec ses plans d’économie sociale, avec ses projets pour la constitution des finances de l’empire, pour la réorganisation des chemins de fer sous la direction de l’état, il a cherché ailleurs des alliés ; il s’est tourné vers les conservateurs et les catholiques. Aux uns il a donné des lois répressives dans l’intérêt de la monarchie ; aux autres il a accordé la satisfaction d’une certaine paix religieuse, qui s’est manifestée par la suspension des lois de mai, par la reprise des relations avec le Vatican. Où en est-il aujourd’hui ? Il est bien clair qu’il n’appartient pas plus aux conservateurs protestans et aux catholiques du centre qu’il n’appartenait autrefois aux nationaux-libéraux. Pour le moment, son système paraît être d’attendre, d’éviter de s’engager, de laisser les partis s’agiter dans le vide à la veille des élections qui vont se faire pour le renouvellement du Landtag prussien.

À dire vrai, le résultat de ces élections désormais prochaines reste assez obscur dans la confusion où se débattent les partis, au milieu de toutes ces complications de problèmes religieux politiques, économiques, sociaux qui troublent l’Allemagne. Entre les conservateurs de tradition, de confession protestante, qui sont aussi puissans que nombreux en Prusse, et les catholiques du centre, il y a eu quelque apparence ou quelque velléité d’entente ; mais l’évêque de Breslau, Mgr Herzog, paraît avoir compromis singulièrement cette alliance en soulevant la question la plus délicate, celle des mariages mixtes, en faisant revivre toutes les prohibitions de l’église. Il a inquiété le sentiment protestant, toujours très vif chez l’empereur, et il est probable que le représentant de la Prusse auprès du saint-siège, M. de Schlœzer, qui était récemment à Varzin, est reparti pour Rome avec la mission de garder une certaine réserve, d’attendre les concessions du Vatican. Ces conflits confessionnels, ces ombrages entre conservateurs de cultes différens pourraient être favorables à l’opinion libérale ; mais, entre les représentans de cette opinion, les divisions sont peut-être plus profondes et plus acerbes encore. Une fraction des progressistes, qui a pour chef M. Haenel, tendrait à se rapprocher des nationaux-libéraux ; un autre chef progressiste qui, à la vérité, est un orateur plutôt qu’un politique, M. Richter, rompt ouvertement avec M. Haenel, poursuivant d’une guerre acharnée les nationaux-libéraux et leurs candidats. M. Richter a engagé directement la lutte dans un des districts du Slesvig, de sorte que tout est confusion dans ces préliminaires électoraux. M. de Bismarck n’en est peut-être pas fâché ; il regarde toutes ces effervescences, toutes ces querelles de partis avec une impassibilité mêlée d’ironie. Il espère sans doute que, ces divisions aidant, le pays finira par lui donner un parlement plus docile, une majorité disposée à lui épargner les ennuis des contestations irritantes, à lui lais-