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ils n’ont guère fourni à l’œuvre progressive de la civilisation aucun élément vraiment nouveau, vraiment original ; alors même qu’ils semblent, à certains égards, surpasser leurs maîtres, ils restent encore, ils restent toujours, aux yeux de l’historien qui étudie le développement organique de l’humanité, des élèves intelligens et bien doués, les disciples de l’antique Chaldée.

C’est ce que nous indiquaient déjà les plus anciennes traditions du monde oriental, telles que la Cible les a recueillies ; c’est ce qu’affirmait plus d’un texte assyrien qui attribue à la Chaldée la première rédaction de ces livres d’argile que l’on transcrit, au temps des Sargonides, pour la fameuse bibliothèque d’Assournazirpal ; c’est enfin ce qui résultait implicitement de ce fait bien constaté que les formes les plus rudimentaires de la langue et de l’écriture usitées en Mésopotamie se sont toujours rencontrées dans des inscriptions découvertes en Chaldée. Il allait de soi que l’art dont l’Assyrie nous offrait les monumens nombreux et variés avait même origine que les autres manifestations du génie assyrien ; mais en pareille matière, aucune analogie et aucune induction ne valent la preuve directe, celle que fournit la comparaison des œuvres et du style qui les caractérise. Cette prouve longtemps désirée, longtemps attendue, nous la devons aujourd’hui, sans contestation possible, aux ouvrages de la statuaire chaldéenne que M. de Sarzec a retirés des ruines de Sirtella.

Jusqu’à ces derniers temps, l’art chaldéen nous était presque inconnu ; on n’avait guère, pour s’en faire une idée, que les cylindres, que quelques bronzes, quelques bas-reliefs et quelques figurines en terre cuite, enfin qu’une dizaine de ces pierres noires qui servaient de limites aux champs et sur lesquelles étaient gravées, outre le texte du contrat constitutif de la propriété, les images des dieux appelés à en garantir l’observation[1]. La plupart de ces bornes décorées de figures étaient, relativement, d’époque assez basse. Le plus grand nombre des menus objets qui, dans nos musées, étaient classés comme de provenance chaldéenne, n’offraient aucun trait qui permît de les dater, même d’une manière approximative. Seul, un bronze du Louvre, une canéphore qui porte le nom d’un très ancien roi, Koudour-Mapouk, avait attiré l’attention de M. de Longpérier et lui avait suggéré, sur le caractère de l’ancien art chaldéen, des vues dont la justesse a été démontrée par les récentes découvertes[2]. Quant aux cylindres, ils pouvaient fournir

  1. Le cabinet des médailles de notre Bibliothèque nationale possède le mieux conservé peut-être de ces termes babyloniens ; c’est le monument connu sous le nom de caillou Michaux. Il a été public, mais assez mal, par Millin. Nous en donnerons une reproduction plus fidèle dans le tome ii de notre Histoire de l’art.
  2. A. de Longpérier, Musée Napoléon III, pl. I.