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requête et chargea le doyen des auditeurs de la rote, Jules Oradin, d’instruire l’affaire

Repoussée ainsi par le saint-père, Mlle de Rohan adressa en 1567 une nouvelle supplique au parlement à l’effet de faire retirer le procès de la rote et de le faire juger en France. Sur ces entrefaites éclata la seconde guerre civile. En sa qualité de protestante, Françoise avait tout à redouter ; elle eut beau invoquer la protection du duc de Nevers au nom de la grande maison dont elle était sortie, on entra de force dans ses deux villes de la Garnache et de Beauvoir-sur-Mer, on ouvrit ses coffres, on enleva ses papiers, on la violenta elle-même. On ne s’en tint pas là : au mois de novembre 1569, Charles IX de sa main écrivit au duc d’Alençon de faire saisir chez le procureur de Françoise de Rohan, Me Mocet, tous les papiers qu’il pouvait avoir encore, et le 13 décembre suivant, sur les ordres du duc d’Alençon, cette saisie fut pratiquée. Appelée à comparaître devant l’auditeur de la rote Jules Oradin, Françoise eut beau objecter que toutes ses pièces avaient été prises, la décision de l’archevêque de Lyon n’en fut pas moins maintenue le 5 mars 1571.

Le lendemain d’une défaite, Françoise se relevait plus énergique que la veille. Paraissant après la Saint-Barthélemy devant le conseil privé pour soutenir la plainte qu’elle avait introduite au sujet de l’enlèvement de ses papiers, sa demande fut d’abord écartée ; mais grâce aux ressources si multiples de la procédure d’alors, son avocat, Me Lalanne, parvint à plaider pour elle, au mois d’avril 1573, contre le grand orateur Versoris, l’avocat du duc. L’arrêt qui fut rendu, loin d’être défavorable à la plaignante, lui accorda deux mois pour préparer ses moyens de défense, et ce premier délai ayant été à plusieurs reprises prolongé, Charles IX vint à mourir avant que le procès fût terminé. Il le légua à Henri III.

Mlle de Rohan n’était pas au bout de ses épreuves. Ce fils, pour lequel elle s’était sacrifiée et dont elle n’eut pas toujours à se louer, enrôlé dans l’armée protestante, tomba aux mains du duc du Maine dont il resta le prisonnier jusqu’au moment où sa mère fut en mesure de payer sa rançon. La lassitude avait fini par gagner les deux parties. Six années s’écoulèrent donc sans que, d’un côté ni de l’autre, intervint un nouvel acte d’hostilité. Mais si la procédure faisait trêve, le fils de Françoise n’en affectait pas moins de se faire appeler le marquis de Genevois, l’un des titres de famille du duc de Nemours, et portait ostensiblement ses armes. Irrité par cette persistante usurpation, le duc se décida à y répondre par une protestation dont les termes sont bien durs : « Moy, duc de Nemours, ayant entendu qu’il y avoit à Paris un que je ne connois point, qui se dit fils de Mlle de Rohan, lequel se fait appeler par mon nom et