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aussi du nom de ma maison, j’ai bien voulu pour éclaircir tout le monde, encore que j’aye eu tous arrêts nécessaires à ce fait, dire, déclarer publiquement et fermer la bouche à chacun qui en voudroit parler que quiconque dira ou voudra dire que j’aye autres enfans que deux qui sont en ce lieu avec moi, de qui l’un a douze ans et l’autre six, que celui qui se dit fils de Mlle de Rohan me soit de rien, aura menti et mentira par la gorge, et pour mieux certifier ce que j’ai dit en cette présente déclaration, je me suis signé ci-dessous de ma propre main. Fait à Verneuil, le 12 juin 1579[1]. »

En réalité, cette protestation n’avait de prise que sur l’opinion publique ; le fils de Françoise continua de s’attribuer le nom et les armes de Nemours ; d’un autre côté, la duchesse de Guise, importunée de s’entendre toujours jeter à la tête dans toutes les requêtes de Françoise de Rohan ce vilain mot d’adultère, voulait, dans l’intérêt des deux enfans qu’elle avait eus du duc, sortir à tout prix d’une situation qui lui laissait des doutes et peut-être aussi des remords. Elle eut recours à Henri III. L’indolent monarque négociant alors avec le roi de Navarre, par l’intermédiaire du duc d’Alençon, ce traité qu’on a appelé la paix de Pleix, du nom du château où elle fut signée ; il savait que son frère de Navarre avait hérité du bon vouloir de Jeanne d’Albret pour Françoise de Rohan ; désirant lui complaire, il chercha un terrain de transaction et, pour en finir, il fit offrir à Françoise l’érection du Lodunois en duché, en y joignant 50,000 livres de rente pour elle et 20,000 livres de rente pour son fils assurées sur de bons bénéfices, à la condition toutefois qu’elle s’engagerait à restituer tous les papiers, toutes les lettres qu’elle avait encore en sa possession et surtout la promesse de mariage signée de la main du duc de Nemours. Françoise consulta les principaux chefs protestans. Tous furent d’avis qu’il y avait là une cause de légitime divorce ; mais qu’il fallait que le grand nom de Rohan sortît intact de ce scandaleux procès. Suivant leur avis, Françoise exigea qu’un dernier arrêt rendu par le conseil privé annulât tous les arrêts précédens contre elle et reconnût sa parfaite bonne foi. Henri III ayant accepté les conditions, voici quelle fut la déclaration de Françoise où sa sincérité se montre à découvert et la dignité de la femme se relève : « J’affirme, dit-elle, devant Dieu et devant les hommes et sous peine d’anathème que mon fils Henri de Savoie est procréé du fait du duc de Nemours et en légitime mariage. Ce n’est point notre intention de converser avec le duc, puisqu’il a été si infidèle envers nous que de se divertir à un autre parti et nous semble avoir trouvé, par l’opinion de plusieurs gens

  1. Bibl. nat., fonds français.