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AUGUSTE BARBIER

SA VIE, SON TEMPS, SES ŒUVRES


I.

Au nombre des plus grands succès du siècle qui s’achève il en est trois dont le retentissement aura dépassé tout : en 1819, le Naufrage de la Méduse ; en 1820, les Méditations, en 1830, les Iambes, ou, pour parler plus exactement, la Curée. Réussir ainsi d’un premier coup et par explosion, danger terrible! Il y a cependant manière de s’en tirer, soit comme Géricault, en mourant jeune, soit comme l’auteur des Harmonies et de Jocelyn, en prenant pour devise : Excelsior. Barbier ne fit ni l’un ni l’autre, et c’est pourquoi, vue à distance des événemens, sa destinée de poète a presque l’air aujourd’hui d’une ironie : « Vous ici, monsieur? disait brutalement, au retour de la campagne de Russie, Napoléon apercevant dans la foule de ses courtisans un général disgracié; vous ici, monsieur ! je vous croyais mort. » Les générations pensaient de même à l’égard du poète de 1830, avec cette différence que, cette fois, l’étonnement n’avait rien que de très sympathique. Le public, sans l’avoir oublié, le tenait pour absent de ce monde; les vers continuaient à vivre; quant à l’homme, il était bien mort, sinon décédé. Sainte-Beuve eût vécu cent ans que sa littérature eût toujours gardé le haut du pavé; humeur chagrine ou défaillance. Barbier se laissa distancer; il était, comme on dit, resté en gare et ne rejoignit plus jamais le train. C’est donc comme un ancien qu’il faut le lire, car à vouloir