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dans son dernier rapport que l’Algérie ne fournit pas de candidats pour les fonctions publiques : on l’en doit louer; les colons ont mieux à faire. Le personnel administratif se compose donc à peu près exclusivement, du haut en bas, d’agens empruntés aux services de la France continentale. Un préfet quitte Évreux ou Quimper pour devenir préfet d’Alger; un administrateur laisse Dunkerque ou Sainte-Menehould pour monter en grade et être élevé à la préfecture d’Oran et de Constantine. Après être restés un an ou deux, quelquefois moins, en Afrique, ils reviennent dans la métropole avec de l’avancement. L’an dernier, quand la situation de notre colonie était assez grave, elle manquait au même instant et de gouverneur-général et de deux au moins de ses préfets sur trois, tous ces personnages venant d’être changés et arrivant des extrémités de la France pour faire leur apprentissage de hauts fonctionnaires algériens. S’il en est ainsi au sommet de l’administration, on peut juger des échelons moins élevés. Les fonctions de commissaires civils, qui confèrent tant de responsabilité morale unie à tant d’irresponsabilité réelle, échoient à des gens dont les antécédens sont les plus variés et ont le moins de relations avec l’administration publique. On raconte à ce sujet des anecdotes que nous voudrions croire fausses, quoiqu’elles aient été publiquement répétées et jamais démenties. Un ténor, faisant ses débuts sur le théâtre d’Alger et n’ayant pas eu l’agrément du public, aurait quitté la scène et serais devenu commissaire civil. Des maîtres d’études, impuissans à tenir une classe de 25 ou 30 bambins, seraient allés administrer 10 ou 15,000 Arabes. Il est temps de faire comme les Anglais aux Indes, comme les Hollandais à Java. Il est temps de constituer un personnel administratif colonial, instruit, bien préparé, connaissant l’arabe. Nous félicitons le gouverneur-général actuel, M. Tirman, et l’ancien ministre de l’intérieur, M. Goblet, d’avoir pris, en date du 12 juin dernier, un arrêté concernant le personnel administratif des communes mixtes, où l’on met certaines conditions de recrutement. C’est un premier effort dont nous tenons compte au gouvernement; il importe que cet arrêté n’ait pas le sort de beaucoup d’autres, d’être inexécuté. Il importe encore de fixer des conditions au recrutement du haut personnel colonial et de lui donner plus de fixité. Il y a une mesure plus générale encore : c’est la suppression des « prétendus délits spéciaux de l’indigénat, » c’est l’abolition de toutes les formalités administratives humiliantes, auxquelles on assujettit encore les Arabes. Le régime civil doit être, vis-à-vis les indigènes qui se trouvent dans le territoire civil, un régime libéral et de droit commun. Ces réformes peuvent être d’autant mieux appliquées que la généralité de la population arabe ou kabyle dans la