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Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 53.djvu/834

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DANS LE MONDE




PREMIÈRE PARTIE.




I.

Une matinée de novembre, à Versailles. C’est dimanche ; il est près de dix heures, et la brume des matins d’hiver, à peine déchirée par de rares passans, flotte encore attardée dans les grandes voies désertes. Quelques soldats, avec les gants blancs du dimanche, allant à la gare ; quelques femmes, en général vêtues de noir, se rendant à l’église ou en sortant ; de temps à autre, tiré par un cheval blanc qui irotie tout endormi sur le pavé inégal et glorieux de la ville morte, passe un tramway silencieux dans les rues larges.

Sur le seuil du quartier de cavalerie de l’avenue de Sceaux, quatre officiers de dragons en tenue de cheval, sans épée ni sabre, causent, jouant avec leurs gants ou cinglant leurs bottes de leurs baguettes noueuses de bambou, pendant que, derrière eux, dans la grande cour où s’agitent, à travers le brouillard, des ombres militaires traînant après elles des chevaux en couverte, quatre bêtes sellées et tu mantes s’en vont, l’encolure allongée, remorquées vers le bâtiment du fond par deux hommes en veste d’écurie. — Trois de ces officiers sont jeunes ; le quatrième est un de ces gradés tardifs sortant de la troupe, qui ont plus de passé que d’avenir : grand, gros, presque ventru, ayant sous le nez deux broussailles divergentes de poils rouges à la racine et vers le bout grisonnans. Deux des jeunes sont insignifians : un uniforme, des bottes, des moustaches, et c’est tout. Mais l’autre est charmant : de taille élevée sans excès, mmce de cette gracieuse minceur de jeunesse qui n’exclut pas la solidité de la charpente, des traits corrects, un regard doux.