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débuts, adoptée par presque tous les peuples, elle recevait vers 1870, par l’adhésion des États-Unis eux-mêmes, sa consécration dernière, celle que donne à une vérité le témoignage de ses plus constans ennemis.

Pareille entente ne s’est pas faite sur les dimensions qui lui conviennent. L’artillerie agit tantôt par le nombre, tantôt par la puissance de ses coups. Quand le but présente un front étendu, n’offre pas d’obstacle à la pénétration des projectiles, comme une troupe sur un champ de bataille, et quand l’arme, pour rester transportable, ne doit pas dépasser un faible poids, comme le fusil ou la pièce de campagne, le calibre est limité, c’est le nombre qui crée la force. À mesure que l’arme a de moindres déplacemens à subir et le projectile plus de résistance à vaincre, le calibre augmente aux dépens du nombre. Voilà pourquoi, contre les fortifications, l’artillerie de campagne fait place aux pièces de siège : encore faut-il les multiplier pour battre le périmètre étendu d’une place et restreindre leur dimension si l’on veut les transporter jusqu’à la position assiégée et les mouvoir à mesure que se resserre l’investissement. Ces difficultés ne se présentent pas pour l’armement placé à demeure sur les navires ou sur les côtes. Ce n’est pourtant pas sans motif qu’à bord on a longtemps accumulé des pièces de médiocre puissance. D’une part, leur objectif principal, le navire, offrait dans toute sa masse prise à des coups partout utiles : briser sa mâture, c’était arrêter sa marche et, par le désordre qu’entraînait la chute, paralyser d’ordinaire le service des batteries ; tirer à hauteur des ponts, c’était porter la mort dans les équipages qui les garnissaient en groupes compacts ; toucher la coque, c’était ouvrir passage à l’incendie ou à la mer. D’autre part, nul coup, où qu’il frappât, ne suffisait à perdre un bâtiment : les plus dangereux à la flottaison n’y perçaient que des trous presque refermés aussitôt par l’élasticité du bois, et que des voies d’eau faciles à aveugler. Il fallait, pour tuer, multiplier les blessures dont aucune n’était mortelle, et, pour blesser, lancer d’autant plus de projectiles que le tir alors était moins sûr. Les vaisseaux actuels n’ont plus à craindre les mêmes périls. Les mâtures sont devenues dans la navigation un accessoire et dans le combat une gêne qu’on fait à peu près disparaître ; leur chute pas plus que le passage des obus ne causerait de grands ravages sur les ponts presque déserts ; la plus grande partie des organes et de l’équipage agissent invisibles dans les profondeurs de la carène ; celle-ci, grâce au fer et à l’acier dont elle est faite, n’offre pas d’alimens au feu. Par contre, si elle se troue au choc d’un projectile, la déchirure reste béante et l’avarie sérieuse. La machine est plus délicate encore : pour peu qu’un obus y éclate ou atteigne un de ses organes, le navire est