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Quant au résultat général des élections dans l’état de New-York, il est assez bizarre. Il y avait à nommer députés et fonctionnaires. En général, ce sont les députés démocrates et les fonctionnaires républicains qui l’ont emporté, de sorte que, pendant une année, l’état de New-York va présenter ce spectacle singulier d’un pouvoir législatif démocrate obligé de vivre avec une administration républicaine. Ce qui s’est passé là dans l’état de New-York pourrait bien se passer un jour aux élections générales. En effet, le parti démocratique manque d’hommes pour les grandes fonctions publiques. A la dernière élection présidentielle, il a déjà eu beaucoup de peine à trouver un candidat, et peut-être le général Hancock, brave soldat, galant homme, dont nous avons pu apprécier à Yorktown les sentimens français, n’était-il pas tout à fait l’homme qu’il fallait pour lutter contre Garfield. A la prochaine élection, la difficulté sera plus grande encore. D’un autre côté, l’état de New-York, qui avait jusqu’à présent donné la majorité aux républicains et formait leur appoint, semble en ce moment passer du côté des démocrates, ce qui pourrait bien faire pencher la balance de leur côté aux prochaines élections pour le congrès, li ne serait donc pas impossible que, d’ici à trois ans, les États-Unis se trouvassent en possession d’une chambre des députés démocratique avec un président républicain, situation dangereuse dont les États-Unis ont déjà fait l’expérience (mais en sens inverse) au temps du président Johnson. Ce sont là au reste de vains pronostics, et j’ai eu assez de peine à comprendre le présent (je ne suis même pas sûr d’y avoir tout à fait réussi) sans me mêler encore de prédire l’avenir.

Enfin il a fallu malheureusement prendre jour pour prononcer la dissolution officielle de notre petite troupe, dont les membres, depuis notre arrivée à New-York, commençaient, comme on a pu le voir, à ne plus se serrer autant les coudes. C’est dans un des grands salons de l’hôtel de Fifth Avenue que nous remercions une dernière fois les membres du comité de New-York, qui se sont ingéniés de toutes les façons pour rendre notre second séjour dans leur ville aussi agréable que le premier. Nous échangeons des poignées de main, des photographies et des autographes, des autographes surtout, car c’est la grande mode en Amérique, et connus ou inconnus, inconnues même, par lettres ou de vive voix, nous en ont demandé de tous côtés. Nous prenons aussi congé de quelques-uns de nos compagnons français, qui partent pour l’Europe par le prochain paquebot; d’autres font leurs préparatifs pour un magnifique voyage circulaire de New-York à San Francisco et à la Nouvelle-Orléans, avec arrêt dans les principales villes d’Amérique et retour par le Canada. Ils ne seront de retour en France qu’au commencement de janvier. Pour moi, je suis livré aux plus grandes perplexités. Des raisons