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administratives qui n’ont pu se justifier que par la raison d’état. Hier encore, ne recommençait-on pas ces tristes expéditions d’autorité discrétionnaire et de bon plaisir en prétendant trancher par la main de la police une question de propriété, d’inviolabilité de domicile, en allant forcer les portes d’une maison de Paris pour en chasser de modestes religieuses ? Il s’est trouvé un juge de référé qui, par un arrêt savamment et impartialement motivé, a retenu la cause au nom du droit commun ; ou lui répondra peut-être encore en élevant un conflit au nom de l’arbitraire administratif, juge dans sa propre cause, — et ce sera toujours la raison d’état, la « souveraineté du but. » C’est bien la peine de se proclamer des libéraux pour singer les coups d’état dans leurs expédiens sommaires au profit des fanatismes de secte. M. le préfet de la Seine assure, il est vrai, qu’il n’aura aucune difficulté à s’expliquer au sujet de son dernier exploit et à s’entendre avec le conseil municipal de Paris. C’est aisé à croire, M. le préfet de la Seine aura l’absolution de son supérieur, le conseil municipal, — et c’est là sûrement, il faut en convenir, une belle garantie !

Que n’a-t-on pas dit aussi de ce qu’on appelait autrefois « l’abus des influences, » de l’avilissement des fonctions publiques dans un intérêt de domination ou dans un intérêt électoral, des inquisitions organisées sur les serviteurs de l’état, des faveurs promises aux opinions plutôt qu’aux services ? Quelle indignation lorsqu’un fonctionnaire, un officier appartenant à une assemblée ou attaché au prince pouvait être soupçonné d’avoir de l’avancement par une raison politique, lorsque le gouvernement faisait trop attendre un grade, une promotion à un fonctionnaire suspect d’hostilité ou de tiédeur ! C’était bon autrefois ! Maintenant, il n’est rien de tel que d’être député ou sénateur, de faire preuve de zèle politique, d’être ce qu’on appelait sous l’empire un ami du premier degré pour être propre à tout, pour avoir droit à une magistrature ou à une trésorerie générale. Les scrupules sur l’indépendance et la dignité des fonctionnaires, sur la valeur des titres, sont désormais surannés. Les services réels passent au second rang, et M. le sous-secrétaire d’état des finances adressait récemment aux préfets une circulaire qui a le mérite de dire avec une certaine candeur, tout au moins sans détour, comment on comprend la position et le rôle des employés. M. le sous-secrétaire d’état des finances ne plaisante pas ; il tient à organiser ce qu’il appelle lui-même a le contrôle au point de vue politique » sur tout son monde, sur les employés de l’enregistrement, des domaines et du timbre, sur les agens des contributions directes et indirectes, des douanes, des manufactures de l’état. Il demande une « notice » précise sur chacun de ces agens, sur sa position, sur son a attitude politique, ses relations de famille et ses fréquentations habituelles. » Il a besoin d’avoir ces renseignemens avant toute nomination ou promotion.