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fortunes diverses ; qu’elle a été ensuite divisée et morcelée en un grand nombre de principautés à peu près indépendantes et qu’à proprement parler, ce n’est que depuis sa réunion à la France que ses élémens se sont groupés et qu’elle est née à la vie politique[1]. À partir du jour où la proclamation des droits de l’homme a jeté les bases de la société moderne, l’Alsace se sent indissolublement liée à ce pays, elle prend part à toutes ses luttes ; le sang de ses fils coule à flots sur les champs de bataille, et les généraux qu’elle a enfantés entrent en vainqueurs dans toutes les villes de l’Allemagne dans laquelle ils ne reconnaissent pas leur patrie. Ce n’est pas dans la poussière des parchemins qu’il faut chercher pour un peuple les titres de son existence, ce n’est pas par des argumens de procureur qu’on prouve sa nationalité, c’est en voyant quelles sont ses aspirations et ses sympathies. Pour l’Alsace, la réponse n’a jamais été douteuse, et à toutes les époques de son histoire, elle a montré son aversion pour la domination allemande.

Le dernier recensement fait sous le régime français) celui de 1866, portait à 1,119,254 habitas la population des deux départemens du Haut et du Bas-Rhin, soit 129 par kilomètre carré, dont 833,000 catholiques, 250,000 protestans de divers cultes, et 36,000 israélites. Au point de vue économique, on comptait 498,000 agriculteurs, 450,000 individus vivant, à des titres divers, de l’industrie, le surplus appartenant au commerce, à l’armée, ou aux professions libérales. Depuis l’annexion, les circonscriptions ont été modifiées. 159,740 Alsaciens-Lorrains ont opté pour la nationalité française et ont dû quitter leurs foyers, où ils ont été remplacés en partie par des Allemands. C’est le nombre des hommes de 20 à 25 ans qui a surtout diminué parce que l’émigration en est continue. Sur 111,152 jeunes gens qui, de 1871 à 1874, avaient été appelés ; 27,000 seulement se sont présentés et 10,000 ont été jugés aptes au service, les autres avaient émigré ou étaient atteints d’infirmités ; aussi le nombre des mariages, comparé à ce qu’il était jadis, a-t-il été sensiblement réduit.

Cette population, par suite des invasions auxquelles le pays a été exposé, est très mélangée ; mais, prise dans son ensemble :, la race germanique paraît prédominer dans la plaine, la race celte dans la montagne. Les habitans de la plaine, dont le type d’ailleurs est loin d’être uniforme, ont la tête plus courte et plus large, les pommettes

  1. Bien avant, sa réunion définitive à la France, l’Alsace avait avec celle-ci des rapports continus, comme le témoigne l’ouvrage que viennent de publier MM. de Bouteiller et Hepp : Correspondance politique adressée au magistrat de Strasbourg par ses agens à Metz (1394-1683). Paris, Berger-Levrault, 1882. — Voyez aussi Strasbourg pendant la révolution, par E. Seinguerlet. 1 vol. Berger-Levrauît, 1881.