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fabrication en Europe au XVIIe siècle, mais ce ne fut qu’en 1746 que la première maison fut fondée à Mulhouse sous la raison sociale Kœchlin, Schmaltzer et Cie. D’autres établissemens s’élevèrent bientôt à côté de celui-là, et cette industrie prospéra à un tel point, qu’en 1870 il y avait dans le Haut-Rhin 18 fabriques d’impressions, produisant pour 50,000,000 francs de marchandises, employant 8,611 ouvriers, 124 machines à imprimer au rouleau, 9 perrotines et 14,827 mètres de tables pour l’impression à la main. Mulhouse n’eut pas d’ailleurs le monopole de cette industrie ; d’autres établissemens d’impressions furent créés sur divers points de la France, notamment à Jouy, près de Versailles, où Oberkampf en fonda un au siècle dernier qui eut une grande réputation. Il en existe également dans d’autres pays de l’Europe ; mais, de l’aveu de tous les jurys d’expositions, c’est l’Alsace qui tient le premier rang pour la beauté des dessins et la perfection de la fabrication.

L’art de la teinture et de l’impression consiste à fixer les matières colorantes sur les étoffes au moyen de l’attraction moléculaire exercée par celles-ci sur les premières ; et cette affinité variant suivant la nature des unes et des autres, on est obligé d’employer des substances spéciales appelées mordans pour la déterminer et pour amener la fixation des couleurs. Dans le début, le nombre en était très restreint ; depuis l’invention des couleurs artificielles qu’on tire de la houille, la gamme des nuances s’est singulièrement augmentée et permet de varier les dessins à l’infini ; on est arrivé à en imprimer soit au moule, soit au rouleau, qui portent jusqu’à douze couleurs différentes et qui sont d’une exécution remarquable. Cette industrie de l’impression des tissus, autrefois très prospère, est une de celles qui ont eu le plus à souffrir de l’annexion de l’Alsace à l’Allemagne. En 1878, le nombre des machines à imprimer était réduit à 100 et celui des ouvriers employés à 6,575.

Une autre industrie, qui a été plus éprouvée encore, est celle des tissus mélangés de coton, de laine et de soie, dont le centre principal est Sainte-Marie-aux-Mines. Cette petite ville, située au fond d’une des vallées les plus pittoresques de la chaîne des Vosges, avait acquis déjà au siècle dernier, par l’exploitation, aujourd’hui abandonnée, de ses mines de plomb argentifère, par ses fabriques de bas de fil pour l’armée et par ses métiers à faire le drap, une certaine importance ; en 1755, Jean-George Reber y fonda le premier établissement pour la fabrication des étoffes de coton. Le fil était filé au fuseau, puis teint, surtout en rouge, par des teinturiers qui étaient venus se fixer sur ce point, et enfin tissé dans la montagne par des ouvriers isolés qui partageaient leur temps entre leur métier et les travaux des champs. Pendant longtemps