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extrémité. Il y a une mesure dont on parle sans cesse et qu’on ne réalise jamais, bien qu’elle soit réalisable depuis bientôt trois ou quatre ans : c’est celle de la conversion du 5 pour 100. Il faudra bien qu’on l’accomplisse un jour ou l’autre, et quand on l’accomplira avec la prudence et la sagesse nécessaires en pareil cas, on trouvera là les élémens d’un amortissement sérieux. Dans un travail que nous avons publié ici même sur la question, il y a déjà quelque temps, nous conseillions de faire la conversion du 5 pour 100 en obligations 3 pour 100 amortissables, et comme nous avions sous les yeux le type d’un 3 pour 100 qui avait été émis pour les grands travaux publics et qui devait être remboursé en soixante-quinze ans, nous proposâmes d’adopter ce type et de convertir ainsi les 7 milliards de notre rente 5 pour 100. Il devait en résulter une économie de 70 millions. À ce moment, le 3 pour 100 était à 86 ou 87, le bénéfice aurait été plus grand qu’aujourd’hui, où le 3 pour 100 n’est plus qu’à 83. C’est le malheur de notre gouvernement de ne savoir jamais se décider à temps. Il ajourne toutes les mesures dont l’exécution lui paraît difficile, sous prétexte qu’on trouvera plus tard des circonstances plus favorables, et c’est souvent le contraire qui arrive. Nous avons déjà signalé ici ce manque de prévoyance à propos d’une autre question, celle de la monnaie. Si on avait décidé que le métal d’argent ne serait plus qu’une monnaie divisionnaire à l’époque où cela a été proposé très sérieusement en 1869, après une enquête solennelle, il n’en aurait coûté que 15 ou 20 millions au plus ; il en coûterait maintenant 150, et on attend toujours, comme s’il y pouvait avoir quelque atténuation à la perte qu’on redoute. Il est plus probable qu’elle ne fera que s’aggraver ; et il faudra pourtant bien un jour qu’on s’exécute coûte que coûte. On fait la même chose pour la conversion. On nous disait, il y a trois ans, qu’elle n’était pas opportune. Pourquoi ne l’était-elle point ? Ce n’était pas pour des raisons financières. Le 5 pour 100 était à 116 et 117, le 3 pour 100 amortissable à 86 et la dette flottante n’était pas aussi chargée qu’elle l’est en ce moment. Elle était inopportune, parce que M. Gambetta, qui paraissait alors le maître de nos destinées, n’en voulait pas. Il craignait l’impopularité qui en résulterait, et comme on était à la veille des élections, il ne se souciait point de jeter cette question en travers de sa fortune. Aujourd’hui on dit qu’elle est inopportune, parce que la situation financière n’est pas bonne. Sera-t-elle meilleure dans un an ? Cela est fort douteux et, dans tous les cas, l’incertitude même qui règne sur la question est un obstacle à l’amélioration de notre crédit. Aussi sous voulons espérer, maigre tout, qu’à la première embellie qui aura lieu dans la politique et les finances, le nouveau ministre, mieux avisé que ses prédécesseurs, se hâtera de faire la conversion. Et alors, nous