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vide, les mêmes défauts de critique historique, provenant de la confusion des dates et des milieux.

La théologie se divise en dogmatique et en morale. La théologie dogmatique, outre les Prolégomènes comprenant les discussions relatives aux sources de l’autorité divine, se divise en quinze traités ayant pour objet tous les dogmes du christianisme. À la base est le traité de la Vraie Religion, où l’on essaie de démontrer le caractère surnaturel de la religion chrétienne, c’est-à-dire des Écritures révélées et de l’église. Puis tous les dogmes se prouvent par l’Écriture, par les conciles, par les pères, par les théologiens. Il ne faut pas nier qu’un rationalisme très avoué ne soit au fond de tout cela. Si la scolastique est fille de saint Thomas d’Aquin, elle est petite-fille d’Abélard. Dans un tel système, la raison est avant toute chose, la raison prouve la révélation, la divinité de l’écriture et l’autorité de l’église. Cela fait, la porte est ouverte à toutes les déductions. Le seul accès de colère que Saint-Sulpice ait éprouvé depuis qu’il n’y a plus de jansénisme fut contre M. de Lamennais, le jour où cet exalté vint dire qu’il faut débuter, non par la raison, mais par la foi. Et qui reste juge en dernier lieu des titres de la foi, si ce n’est la raison ?

La théologie morale se compose d’une douzaine de traités, comprenant tout l’ensemble de la morale philosophique et du droit, complétés par la révélation et les décisions de l’église. Tout cela fait une sorte d’encyclopédie très fortement enchaînée. C’est un édifice dont les pierres sont liées par des tenons de fer ; mais la base est d’une faiblesse extrême. Cette base, c’est le traité de la Vraie Religion, lequel est tout à fait ruineux. Car non-seulement on n’arrive pas à établir que la religion chrétienne soit plus particulièrement que’ les autres divine et révélée ; mais on ne réussit pas à prouver que, dans le champ de la réalité attingible à nos observations, il se soit passé un fait surnaturel, un miracle. L’inexorable phrase de M. Littré : « Quelque recherche qu’on ait faite, jamais un miracle ne s’est produit là où il pouvait être observé et constaté, » cette phrase, dis-je, est un bloc qu’on ne remuera point. On ne saurait prouver qu’il soit arrivé un miracle dans le passé, et nous attendrons sans doute longtemps avant qu’il s’en produise un dans les conditions correctes qui seules donneraient à un esprit juste la certitude de ne pas être trompé.

En admettant la thèse fondamentale du traité de la Vraie Religion, le champ de bataille est restreint ; mais la bataille est loin d’être finie. La lutte est maintenant avec les protestans et les sectes dissidentes, qui, tout en admettant les textes révélés, refusent d’y voir les dogmes dont l’église catholique s’est chargée avec les siècles. Ici la controverse porte sur des milliers dépeints ; son bilan