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des courbes fermées comme dans le cas des cyclones, se succèdent ici dans l’ordre inverse. Les anticyclones sont des montagnes d’air, tandis que les cyclones sont des entonnoirs. Mais les isobares, autour des anticyclones, sont plus espacées et les vents y sont plus faibles ; leur direction est l’inverse de celle qu’ils affecteraient dans un cyclone. En Amérique, on a constaté que ces aires de haute pression accompagnent souvent les cyclones dans leur marche à travers le continent ; chez nous, au contraire, leur caractère principal est la stabilité. En tout cas, l’étude de leurs propriétés sera peut-être d’un grand secours pour la prévision du temps à long terme. Les anticyclones accompagnent les périodes de beau temps ; en hiver, ils sont l’indice d’un froid persistant. M. Lespiault a fait remarquer une coïncidence de ce genre à propos du caractère exceptionnel de l’hiver de 1879-1880. On n’a pas oublié les traits généraux de l’hiver en question : sécheresse à peu près absolue se prolongeant pendant deux ou trois mois, ciel habituellement sans nuages, brouillards fréquens, température excessivement basse[1], plusieurs dégels sans pluie suivis d’une reprise de froid. Or, si l’on examine les cartes du temps publiées pendant cette période par le Bureau météorologique, on constate que les isobares forment, pendant plus de deux mois, sur l’Europe entière, un puissant anticyclone d’une hauteur et d’une stabilité extraordinaires. Dès le milieu du mois de novembre, les hautes pressions tendent à s’établir sur l’ouest et le centre de l’Europe ; après quelques fluctuations, l’anticyclone est complètement constitué le 9 décembre, et il se maintient presque invariable jusqu’au 26 avec un maximum de pression de 785 millimètres au sommet. Il s’allonge alors un peu vers le nord ; le 28, il est assailli par une forte bourrasque arrivant de l’ouest, et on dirait qu’il va être coupé en deux ; mais il résiste, il est seulement aplati et refoulé vers le sud. C’est à ce moment qu’a lieu un premier dégel, suivi bientôt d’une reprise du froid ; l’anticyclone a repris sa position et la garde jusqu’au 7 février, jour où une violente bourrasque le rejette sur l’Asie. Pendant toute cette période, la carte dés températures est pour ainsi dire le décalque de la carte des pressions, à cela près qu’il n’y a qu’un maximum dépression errant sur l’Europe centrale, tandis qu’on remarque souvent deux centres distincts de froid. La température se relève sur le pourtour de l’anticyclone, pendant que dans l’intérieur règne un froid très vif ( — 20 degrés à Paris, + 11 degrés en Norvège). Enfin, au haut du Puy-de-Dôme, le thermomètre marque 12 ou 14 degrés de plus qu’à Clermont, et

  1. Le 11 décembre, à une heure du matin, le thermomètre du parc de Saint-Maur accusait 25°6 au-dessous de zéro ; c’est la température la plus basse qui ait été mesurée à Paris. Dans les Ardennes, le froid a dépassé 30 degrés.