pour agir sur le personnel dans des vues de domination ou de parti, et ce qu’il y a de plus triste, c’est qu’il n’est pas dit que ce qui a été tenté une fois ne se renouvellera pas au prochain changement de cabinet. Le service des cultes, depuis quelques années, a déjà changé trois ou quatre fois de domicile, c’est-à-dire de ministère, et il ne sait jamais où les hasards de la politique le conduiront. Au ministère des travaux publics il y a un service des chemins de fer qui, depuis l’ère républicaine, a passé par quatre ou cinq métamorphoses. Il se composait d’abord de deux divisions sous l’autorité supérieure d’un directeur-général. Bientôt, comme le directeur-général du moment, qui était un homme de mérite, gênait, la direction elle-même était supprimée, — pour être à la vérité rétablie, peu de mois après, avec quatre divisions. Le nouveau ministre a voulu être, lui aussi, un réformateur, et, par un décret qui date à peine de quelques jours, il vient à son tour de remanier tout cela ; il crée cette fois deux directions. C’est toujours un moyen d’avoir deux directeurs à nommer. Comment se reconnaître au milieu de toutes ces révolutions qui bouleversent périodiquement les services publics ? Le fait est qu’on ne se reconnaît pas, qu’on finit par arriver à une situation où tout est confondu, et que les mœurs administratives, livrées aux versatilités de la politique, deviennent ce qu’elles peuvent. Elles sont quelquefois, il faut en convenir, pleines d’originalité et de fantaisie : témoin ce qui vient de se passer à l’occasion de l’élection de M. le préfet de la Seine comme député dans les Pyrénées-Orientales.
Rien certes de plus imprévu et de plus caractéristique que cette petite aventure d’un fonctionnaire candidat. Chose étrange ! M. le préfet de la Seine, représentant du gouvernement dans un des principaux postes de l’administration, n’a trouvé rien de plus simple que d’accepter ou de se faire offrir à Perpignan une candidature avec un programme de radicalisme complet : séparation de l’église et de l’état, révision démocratique de la constitution, suppression du sénat, élection des juges, mairie centrale de Paris, etc. Tout y est vraiment ! Comment se fait-il cependant que M. le préfet de la Seine ait pu se croire autorisé à se présenter à Perpignan avec un titre officiel qui suppose la confiance du gouvernement et un programme qui ne paraît pas être celui du ministère, surtout de M. le président du conseil ? Comment se fait-il, d’un autre côté, que le gouvernement, qui a besoin sans doute d’avoir des agens pénétrés de sa pensée, interprètes fidèles de sa politique, n’ait pas cru devoir prévenir plus tôt M. Floquet qu’il avait des obligations particulières de réserve comme fonctionnaire, qu’il couvrait de son pavillon préfectoral une médiocre marchandise. Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que M. Floquet n’avait pas craint de déclarer à ses électeurs que s’il était nommé, — toujours avec le programme qui le mettait en contradiction avec le cabinet dont il était le