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ne peut pas atteindre les excitations à la guerre des classes, à l’assassinat ? Pourquoi ne l’a-t-on pas fait ? Pendant que les agitateurs renouaient leurs complots et disciplinaient les passions qui allaient bientôt abattre les croix ou faire sauter les chapelles, que faisaient les républicains qui ont la prétention de représenter et de gouverner la république ? Oh ! ils étaient sûrement très absorbés. Ils étaient occupés à voter l’amnistie, dont on s’est servi pour réhabiliter la commune. Ils s’étudiaient à se ménager l’alliance du radicalisme en lui livrant la magistrature et l’armée. Ils passaient leur temps à faire eux-mêmes ou à laisser faire la guerre aux emblèmes religieux, aux crucifix, au risque d’inspirer à d’autres la tentation de les imiter. Ils étaient occupés à sauver la république en chassant quelques moines inoffensifs de leurs couvens, les sœurs de charité des, hôpitaux, les instituteurs et les institutrices congréganistes de leurs écoles. Il n’y a que quelques semaines encore, ils trouvaient assez de loisirs pour diriger une campagne de police contre une vieille maison religieuse cachée dans une petite rue de Paris. Toutes les fois que les républicains du gouvernement et de la majorité parlementaire se sont trouvés, dans ces dernières années, entre des modérés qui s’efforçaient de les avertir, de leur montrer le danger de leurs condescendances, et les radicaux, qui leur demandaient chaque jour de nouveaux gages, de quel côté se sont-ils tournés ? Ils ont cédé aussi peu que possible quelquefois, — assez néanmoins pour ne pas décourager les violens du parti. Et l’on s’étonne ensuite que les révolutionnaires de « l’anarchisme » ou du « collectivisme, » qui se disent, eux aussi, républicains, retrouvent une certaine audace !

La vérité est que les politiques républicains qui ont eu le pouvoir ou l’influence depuis quelques années ont singulièrement contribué à préparer tout ce qui se passe par la complicité d’une imprévoyante tolérance et qu’ils y ont aidé aussi d’une manière plus efficace encore peut-être, par la désorganisation administrative, par le relâchement de tous les ressorts de gouvernement. Une fois établis aux affaires, ils ont cru qu’il n’y avait rien de plus simple que de remanier, de bouleverser, de confondre ou de déplacer les services ; ils n’ont réussi qu’à mettre en péril la vieille et puissante organisation française. M. le président du conseil vient de supprimer dans le ministère des affaires étrangères une direction du personnel de récente création et de reconstituer dans sa force traditionnelle l’ancienne direction politique. Il a eu assurément raison, puisqu’il est tout simple que le directeur politique chargé de suivre les affaires de la diplomatie intervienne dans le choix du personnel qu’il dirige, avec lequel il est sans cesse en communication confidentielle. Pourquoi cependant avait-on imaginé cette direction indépendante et même supérieure qui vient de disparaître ? Il n’y avait évidemment d’autre motif que de se créer un instrument commode